Etienne de BAECQUE et Associès -. LIVRES ANCIENS ET MODERNES. LIVRE D’HEURES.

ICONOGRAPHIE Ce manuscrit est très probablement le résultat d’une production collective d’artistes de l’entourage de Jean Pucelle. On distingue une première main pour les miniatures, une seconde pour les drôleries marginales et une dernière pour les décors secondaires. La mise en page est similaire aux Heures de Jeanne de Savoie (Paris, MJAP, Ms 1312) mais les miniatures sont exécutées dans le style du Bréviaire de Blanche de France (Rome, BAV, Urb. Lat. 603). Ce parallèle permet de dater le manuscrit vers 1325. Les très nombreuses drôleries en grisaille ponctuant notre manuscrit adoptent un langage résolument pucélien. Les personnages se distinguent particulièrement par la vivacité de leur expression, des positions parfois incongrues et l’humour des scènes. Les hybrides au buste humain habillé d’étoffes fluides et avec des jambes animales sont souvent occupés avec un instrument de musique ou une arme. Ces figures sont très courantes dans les Heures de Jeanne de Savoie. On trouve également des profils grotesques barbus présents également dans les initiales historiées et quelques bouts-de-ligne des Heures de Jeanne d’Evreux. Le caractère sophistiqué du corps du garde au verso du f. 34 attire particulièrement l’œil. L’ocre du modelé est relevé par des touches de blanc accentuant le réalisme du trait. Le traitement tridimensionnel dont Pucelle était familier est particulièrement visible ici. On rencontre ce travail du nu dans les miniatures des Heures de Jeanne d’Évreux comme avec les gémeaux du calendrier (f. 6r) ou dans la grâce flexible du Christ de la Flagellation (f. 53v). On peut noter aussi le supplice d’Isaïe de la Bible de Billyng (BnF, Mss, Latin 11935, f. 356v) et le saint Laurent dans le Bréviaire de Jeanne d’Évreux (Chantilly, ms. 51, f. 306v). Une telle attention aux détails des corps se retrouve rarement chez les autres artistes de la période. Ce qui nous mène à penser que cette main serait probablement celle de Jean Pucelle lui-même. Jean Pucelle passe pour le meilleur enlumineur de son époque. À peu près tous les manuscrits français du second tiers du XIVe siècle accusent son influence et la bibliographie à son sujet est intarissable. Son nom est identifié dès 1868 par Léopold Delisle dans le colophon de la Bible de Robert de Billyng (Paris, Bibliothèque nationale de France, Latin 11935) daté d’avril 1327, puis dans le Bréviaire de Belleville (Paris, Bibliothèque nationale de France, Latin 10483 et 10484). Les mentions de legs par Jeanne d’Évreux au roi Charles V d’un « bien petit livret d’oroisons que le roy Charles, dont Diex ait l’âme avoit faict faire por Madame, que pucelle enlumina » et la présence de ce manuscrit dans les inventaires du duc de Berry vont renforcer les pistes d’identification du travail de l’enlumineur. Mais c’est la mise au jour d’un singulier manuscrit dénommé les Heures de Jeanne d’Évreux (New York, Cloisters, Acc. 54.1.2) qui consacre définitivement cet artiste et détermine sa position centrale dans l’art médiéval français (Nathalie Roman, 2021, p.8). Son travail est souvent en collaboration avec d’autres artistes comme Mahiet, Ancelet, Jean Le Noir, le Maître de la vie de saint Denis et le maître de Papeleu (Richard de Verdun), etc. Il n’est donc pas surprenant de trouver un autre artiste pour les miniatures. Le style de l’artiste des miniatures est caractérisé par des compositions simples sans encadrement architecturé avec des personnages aux drapés alliant des plis élégamment posés avec des jeux de dégradés pour suggérer les volumes des corps. La mise en couleur des étoffes est réalisée avec de l’ocre et des tons pastel de rose et gris relevés de vert et ocre. On peut noter également la ligne simple des yeux, la fluidité des corps et la vitalité des postures, notamment les pieds souvent nus et à l’extérieur du cadre. Malgré la ressemblance de style avec le Bréviaire de Blanche de France, rien ne permet d’affirmer que nos miniatures ont été réalisées par une des mains du volume. L’atelier dont la production est proche de celle de nos miniatures est celui du Maître de la vie de saint Denis. Cet atelier est connu pour une compilation en l’honneur des saints martyrs Denis, Rustique et Eleuthère réalisée à la fin du règne de Philippe le Bel et offerte par l’abbé de Saint-Denis, au roi Philippe le Long en 1317. Trois volumes sont aujourd’hui conservés la BnF sous les cotes Fr 2090 à 2092. Ces miniatures ont été réalisées par plusieurs artistes de formation homogène dont l’art annonce déjà celui de Jean Pucelle. Notre manuscrit pourrait avoir été enluminé par un artiste issu de cet atelier car on retrouve la même technique pour la réalisation des anges, le modelé et les traits du visage, les drapés et certaines positions des personnages. Cependant la fluidité et la légèreté de notre artiste nous permet de dire qu’il s’était déjà éloigné du style statuesque de cet atelier et se dirigeait déjà vers le style des miniatures des Heures de Jeanne de Savoie réalisée vers 1325 par Jean Pucelle et le Maître du Cérémonial de Gand. La main est moins expérimentée chez nous, notamment la mise en couleurs, mais la douceur des personnages, l’animation de la scène des bergers et les techniques énoncées précédemment nous font penser que notre artiste était déjà influencé par le style de Jean Pucelle. Nous sommes peut-être en présence d’un artiste intermédiaire entre le groupe du Maître de la Vie de Saint-Denis et le groupe de Jean Pucelle. Les décors secondaires quant à eux, ont pu être réalisés par un artiste proche d’Anciau de Sens, connu pour être responsable des encadrements peints de la Bible de Billyng et du Bréviaire de Belleville (BnF, Mss, Latin 10483-10484) (Rouse, II, p. 14), deux manuscrits enluminés également par Jean Pucelle. Miniature pleine page : - f. 1v : Annonce aux bergers. La miniature n’est pas homogène. L’ange et le berger du côté droit paraissent avoir été restaurés postérieurement par une main malhabile. Le phylactère est même gratté partiellement. Peut-être est-ce des usures dues à des marques de dévotion. L’artiste propose ici une composition classique avec des anges accompagnés de phylactères annonçant la bonne nouvelle aux bergers dans les champs. Les traits du visage du berger de profil semblent plus raffinés que ceux des initiales historiées. Mais l’analyse des drapés et postures laisse penser que les initiales sont bien de la même main. 5

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