Collection Hubert-Guerrand-Hermès Duchesse de Berry

15 Ses vastes appartements des Tuileries ne suffisent plus à abriter tous ses trésors, et c’est dans son cher château de Rosny qu’ils vont trouver un écrin digne d’eux. Car c’est dans ce domaine du Vexin normand, acheté par le duc de Berry au lendemain de leur mariage, qu’elle passe le plus clair de son temps, dès qu’elle peut se soustraire aux obligations de la Cour. Entièrement remanié par ses soins, entouré d’un parc romantique à l’Anglaise qu’elle a conçu ellemême, Rosny est son espace de liberté, le lieu où elle peut vivre à sa guise et abriter ses collections, qui ne se limitent pas à sa célèbre bibliothèque. La peinture, qu’elle pratique elle-même avec un joli coup de pinceau, est sa grande passion après la bibliophilie : les tableaux envahissent les murs de ses salons, dans un accrochage à l’Italienne qui ne laisse pas un pouce carré inoccupé. Laissant à l’Élysée-Bourbon la riche collection constituée par son mari, elle choisit de soutenir les peintres « modernes » encore inconnus. Environ six cents tableaux seront ainsi réunis à Rosny : outre quelques portraits de famille et toiles historiques à la gloire de la monarchie, sa prédilection va aux scènes de genre et aux paysages. Toujours pionnière, elle a l’idée, dès 1822, de recourir à une nouvelle technique, la lithographie, pour diffuser plus largement les œuvres des artistes contemporains, et confie à M. de Bonnemaison, conservateur de sa galerie, le soin de lithographier sa collection. Le mobilier de ses appartements témoigne de sa passion pour les arts décoratifs. Le romantisme naissant répond pleinement à sa sensibilité, marquée à jamais par son enfance libre et exubérante, à Naples et surtout en Sicile, l’île du soleil, patrie des dieux, terre des volcans et des cités baroques. Férue de romans historiques médiévaux, elle aura une influence décisive dans le développement du style gothique, ou « troubadour », qui se signale par la place prépondérante donnée aux motifs ornementaux et par l’abondance du répertoire décoratif. « Rien ne peut être comparé au mobilier de Rosny », admirera la duchesse de Maillé. « Il faut rendre cette justice à Madame qui le mérite, elle a fort bon goût. Chez elle tout est bien choisi. Elle a le sentiment du beau comme une Italienne; la musique qu’elle préfère est la meilleure. Le tableau qu’elle choisit le mérite toujours. » Mais c’est peut-être dans le domaine des vêtements, accessoires et bijoux que la petite duchesse imposera le plus vigoureusement ses goût excentriques, sans le moindre souci du qu’en dira-t-on. « Elle s’affuble souvent de parures ou de costumes bizarres sans se préoccuper de savoir s’ils lui iront bien ou mal. Elle n’y pense pas [...] elle ne veut pas mettre de corset. Peu lui importe d’être mal habillée pourvu qu’elle soit à son aise... », déplore Mme de Maillé. Soucieuse de son confort et de sa liberté de mouvement, elle lance la mode des robes évasées dites « courtes » — à cinq centimètres du sol... — si pratiques pour danser et faire admirer ses jolies chevilles et ses ravissants petits pieds, mais aussi mieux adaptées à sa vie trépidante et à ses voyages incessants. À côté des coiffures rehaussées de plumes d’autruche ou de marabout, sa passion pour Walter Scott l’incite à adopter les manches gigot, les bérets et turbans Renaissance ou les ceintures, parures et bijoux fantaisie de goût gothique. Ce goût transgressif, qui confine parfois au déguisement, culmine dans les bals costumés qu’elle met en vogue. Le plus célèbre d’entre eux, le « Quadrille de Marie Stuart », donné au palais des Tuileries en 1829, fut immortalisé par Eugène Lami en vingt-huit aquarelles représentant les membres de la cour dans leurs costumes de l’époque Henri II. Les mémoires de ses fournisseurs, retrouvés dans les archives de Rosny, tout comme le catalogue de la vente des objets personnels de ses appartements des Tuileries en 1830 témoignent de son impressionnante collection de châles, montres et bijoux fantaisie, d’une modernité ébouriffante. Délaissant volontiers les grands joailliers pour les jeunes créateurs, elle affectionne en particulier les parures complètes, comprenant collier à pendeloque, peignes, boucles d’oreilles, bracelets et ceinture assortis, réalisées avec les matériaux les plus divers – coquillages, pierre de lune, lave, topazes roses, fer de Berlin, feldspath, etc. Projetée trop jeune dans une cour moribonde comme jadis Marie-Antoinette sa grand-tante, Marie-Caroline fut, comme elle, longtemps blâmée pour sa futilité. Cette vente historique permet aujourd’hui de lui rendre justice et de la reconnaître, à son tour, comme une incontestable ambassadrice de l’art décoratif français de son époque. COMPLETE CATALOGUING AVAILABLE AT SOTHEBYS.COM/PF2353 14 DÉTAIL LOT 846

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