Collection Hubert-Guerrand-Hermès Duchesse de Berry

13 LA DUCHESSE DE BERRY, AMBASSADRICE DE L’ART DÉCORATIF FRANÇAIS LAURE HILLERIN HISTORIENNE, AUTEUR DE LA DUCHESSE DE BERRY, L’OISEAU REBELLE DES BOURBONS Le 30 mai 1816, la Frégate Christine, escortée d’un grand déploiement de forces navales, fait son entrée dans la rade de Marseille. Elle amène à son bord une minuscule princesse napolitaine de dix-sept ans, qui porte sur ses frêles épaules tous les espoirs d’une lignée royale menacée d’extinction. Marie-Caroline de Bourbon-Sicile est la petite-fille du roi Ferdinand IV de Naples et de la reine Marie-Caroline, sœur de Marie-Antoinette. Moitié Bourbon, moitié Habsbourg, elle est issue d’une famille prolifique ; c’est pour cette raison que le roi Louis XVIII l’a choisie comme épouse pour son neveu le duc de Berry, seul rejeton mâle de la famille capable de procréer. Sa mission : donner un héritier à la couronne de France. Elle la remplira in extremis, en mettant au monde le duc de Bordeaux, « l’enfant du miracle », sept mois après l’assassinat de son père. Rassemblée autour de l’austère et stoïque duchesse d’Angoulême, l’orpheline du Temple, la famille royale vit dans un monde clos et figé, fort éloigné de tout souci d’innovation culturelle. Très vite, la petite duchesse s’y taille une place à part. Forte de son statut de mère du futur roi Henri V, ayant acquis de haute lutte le droit de se faire appeler Madame, elle s’affirme comme une fervente adepte de la modernité. Collectionneuse enragée, elle se révélera grande mécène et ardente promotrice des arts, de l’artisanat et du commerce. Les années fastes seront de courte durée : en 1830, après les Trois Glorieuses, elle suivra la cour en exil, puis tentera de soulever la Vendée pour remettre son fils sur le trône – une épopée romantique qui se terminera à la forteresse de Blaye, avant un second exil, cette fois définitif, en compagnie d’un nouveau mari sicilien, le comte Lucchesi Palli. Mais pendant ces 14 années, Madame ne se sera pas contentée de régner sur le cœur de ses sujets : elle aura soutenu la création artistique et artisanale, patronné les jeunes talents et marqué les arts décoratifs français de l’empreinte de son goût très personnel. Elle apporte sa protection au théâtre du Gymnase, temple du vaudeville et de la comédie « bourgeoise », rebaptisé en son honneur Théâtre de Madame. Elle patronne les musiciens, comme Rossini ou Boieldieu, qui composera en son honneur un opéra-comique, La dame blanche. Elle se passionne pour l’Exposition des produits de l’Industrie, où triomphe en 1819 L’Escalier de Cristal, créé par la veuve Désarnaud qui, la première, a l’idée d’associer le cristal taillé et le bronze doré pour créer des objets et meubles d’ornement. C’est là qu’elle acquiert la fameuse table de toilette exposée au musée du Louvre. Chose encore jamais vue pour une altesse royale, elle fait elle-même ses emplettes dans ce magasin de nouveautés et dans bien d’autres, comme le Coq Saint-Honoré, ou le Petit-Dunkerque, où elle fait une ample moisson de pendules, candélabres, vases d’ornement, bronzes, laques de chine, meubles et bibelots d’esprit gothique. Dès la fin de son deuil officiel, elle fait entièrement refaire ses appartements des Tuileries, laissant éclater la couleur sur les murs et remplaçant les sombres meubles d’acajou d’époque Empire par des marqueteries de bois clair incrustées de riches décors. Dans la station balnéaire de Dieppe, où elle met à la mode les bains de mer, elle ne se contente pas de « prendre la lame » : par ses innombrables achats, elle contribue à faire renaître l’artisanat de la ville – sculpture sur ivoire et dentelles – sinistré par le blocus continental, et subventionne la création d’une école-manufacture de dentelles. Consciente de sa popularité, elle agit comme une « influenceuse » avant la lettre, saisissant chaque occasion de visiter les manufactures françaises – porcelaine de Sèvres et de Limoges, toiles de Nantes, glaces de St Gobain ... – pour y découvrir les nouvelles créations, contribuant ainsi au rayonnement économique et culturel de la France dans les métiers d’art. DÉTAIL LOT 574

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