Collection Hubert-Guerrand-Hermès Duchesse de Berry

Dans son château de Rosny, la duchesse de Berry réunit une des plus exceptionnelles bibliothèques de son temps, tant par la rareté des éditions et manuscrits que par la qualité des exemplaires. Cette extraordinaire collection qui comportait plus de 8000 volumes fut dispersée lors de plusieurs ventes et la vente de 1837 se tint sur plusieurs semaines. On notera que la duchesse de Berry avait compris l’importance des manuscrits dans une collection : dans la vente de 1837, on recense 78 manuscrits datables du VIe au XVIe siècles auxquels il faut rajouter sept “codices graeci”, forts précieux. On remarque que plusieurs des manuscrits occidentaux de la duchesse de Berry sont de provenance “Pithou” (voir Provenance infra). La duchesse devait être séduite par une telle provenance, gage d’érudition. Dans le catalogue de la vente de 1864, son goût pour les manuscrits se confirme avec des manuscrits médiévaux, mais aussi des manuscrits calligraphiés des XVIIe et XVIIIe siècles. On rappellera que la duchesse affectionnait le style troubadour et la mode “médiévale” dans tous les domaines, mobilier et objets, jusqu’aux reliures des livres. En effet, elle fut une grande propagatrice du style de reliure baptisé “à la cathédrale”. Une étude de la duchesse de Berry et son goût pour les manuscrits serait des plus souhaitables. Certains manuscrits ont rejoint les collections institutionnelles, d’autres, comme le présent manuscrit, sont encore en mains privées. Texte Ff. 1-57, Saint Augustin, De Trinitate, livre IV [chapitre 16 (en partie), suivis des chapitres 17-21 ; il manque au livre IV, chapitres 1-15 et une partie du chapitre 16] au livre XV [chapitres 1-28, complet], précédé de la mention à l’encre noire : “Beatus Augustinus de trinitate et eiusdem confessiones. Tractatus de trinitate incipit a fine liber quarti” ; incipit texte : “[…] aeternusque rationibus intellectu talia contemplati sunt…” (chapitre 16 lacunaire, manque le début : explicit, “[…] dixi in his libris de tuo agnoscant et tui si qua de meo et tu ignosce et tui. Amen “ (édition Sancti Aurelii Augustini. De trinitate libri XV, éd. W.J. Mountain, Corpus Christianorum vol. L et L (A), Turnhout, 1968, pp. 188-535 : texte dans le présent manuscrit : De Trinitate, liber IV, XVI (21) (22-25) à liber XV, XXVIII 51 (50-52)). Au feuillet 1, dans la marge supérieure, on lit : “Beatus Augustinus de trinitate & eiusdem confessiones” et “Tractatus de trinitate incipit a fine libri quarti” [Traité sur la Trinité qui commence à la fin du livre quatre]. Cette main nous semble datable du XVIIe siècle ce qui signifierait que ce manuscrit était déjà lacunaire à cette époque. Ff. 57-58v, Table du De Trinitate : rubrique, Incipiunt capitula libri quarti ; la table couvre les livres IV à XIV ; la table du livre XV se trouve au fol. 45, dans le corps du texte avant le commencement du livre XV. Ce manuscrit devait donc commencer au livre IV du De Trinitate, avec les livres I-III certainement reliés à part dans un premier volume car on ne trouve pas de mention des livres I-III dans la table. Ff. 59-70v, Saint Augustin, Confessiones, livre I (ff. 59-62v), et II (ff. 62v-64v), et partie des livres III (ff. 64v-66v, manque la fin), IV (ff. 67-69v, manque le début) et V (ff. 69v-70v, manque la fin), rubrique, Aurelii Augustini incipit liber confessionum; incipit, “Magnus es domine et laudabilis valde magna virtus tua et sapientie tue…” ; explicit, “[…] quia delectabat eos loquens sensi autem aliud genus hominum etiam…” (le manuscrit s’arrête à Confessiones V, 6 (15-16) (édition : Sancti Augustini, Confessionum Libri XIII, éd. L. Verheijen, Corpus Christianorum vol. XXVII, Turnhout, 1981, pp. 1-62 ; et plus récemment, voir B. Alexanderson, Le texte des “Confessions” de saint Augustin : manuscrits et stemma, Göteborg, 2003. Les Confessions comptent en tout treize livres et donc ce manuscrit offre le début de ce texte capital au sein de l’œuvre de saint Augustin. Une première liste dite “liste Wilmart”, augmentée des travaux de Skutella (édition Teubner, 1934), recense 258 manuscrits contenant le texte (ou une partie du texte) des Confessions (voir Verheijen, 1981, p. LIX). Verheijen retient le manuscrit dit “S” comme base pour son édition (Rome, BNC, Sessorianus s. Crucis 55 : manuscrit du VIe siècle). Décoration F. 59. Grande initiale M décorée, introduisant les Confessions. De plus amples recherches sont nécessaires, mais il est intéressant de citer un manuscrit de provenance laonnoise qui présente des points communs avec ce manuscrit. Il s’agit du MS 78 de la Bibliothèque municipale de Laon, Évangile de saint Jean glosé, provenant de Saint-Vincent de Laon (Scriptorium de Laon), datable de la fin du XIe et début XIIe siècle. Ce manuscrit est précieux car il contient des gloses de la main d’Anselme de Laon (mort en 1117). Il s’ouvre par une initiale “I” ornée décrite ainsi : “Lettre ornée faite de quatre grandes goules aux pattes griffues aux gueules armées de dents et moustaches agressives et démesurément distendues par le poteau qu’elles ont avalé. Les couleurs sont vives : rouge, vert, bleu et jaune, dans le style laonnois de ce tout début XIIe siècle” (S. Martinet, Quelques belles pièces de la Bibliothèque municipale de Laon. Catalogue de l’inauguration du 16 juin 1980 de la nouvelle bibliothèque à l’abbaye Saint-Martin (1980), n° 17, p. 14 et reproduction du feuillet avec l’initiale ornée). D’autres manuscrits contenant aussi des textes de saint Augustin et provenant du nord ou de l’est de la France sont à rapprocher du présent manuscrit. Nous pensons à Troyes, Médiathèque Jacques-Chirac, MS 473 (Confessions, daté au catalogue du XIe-XIIe siècle, ayant appartenu par la suite à Clairvaux) ou encore Yale University Library, Marston MS 157 (Confessions, datables du second quart du XIIe siècle). Ce dernier manuscrit présente des similitudes de décor et une meilleure étude des manuscrits produits dans ces régions allant du Laonnois aux confins de la Champagne permettra certainement de rattacher le manuscrit Pithou-Le Peltier de Rosambo-duchesse de Berry à d’autres manuscrits, et peutêtre de retrouver la partie complémentaire. Provenance 1. Manuscrit copié et enluminé en France, d’après des éléments paléographiques et ornementaux. Des comparaisons avec des manuscrits d’origine laonnoise offrent des pistes de recherche et d’identification intéressantes. L’École de Laon, célèbre au XIIe siècle, une des plus anciennes et illustres, s’appuyait sur des scriptoria dans les abbayes avoisinantes (bénédictins, cisterciens, prémontrés) mais aussi au sein de l’école cathédrale de Laon. 2. Pierre Pithou (1539-1596), important humaniste et philologue, membre de la “République des lettres”. Originaire de Troyes, Pierre Pithou était membre d’une fratrie de notables troyens (magistrats et intellectuels bibliophiles), engagés politiquement et impliqués dans les bouleversements religieux que connaît l’Europe au XVIe siècle. Pithou fut secrétaire d’Henri IV : notons que pendant la prise de Laon en 1594, dernière ville “ligueuse”, Pierre Pithou fit main basse sur certains manuscrits provenant des abbayes laonnoises. Les bibliophiles membres de la Républiques des lettres aux XVIe et XVIIe siècle (à l’instar des De Thou, Nicolas Lefèvre et d’autres) se servaient dans les abbayes pour accéder aux manuscrits convoités par ces érudits pour leur intérêt philologique et historique. COMPLETE CATALOGUING AVAILABLE AT SOTHEBYS.COM/PF2353 30

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