Collection Hubert-Guerrand-Hermès Duchesse de Berry

DÉTAIL DU LOT 411 22 vente, rapporte : «Les amateurs se disputaient les livres armoriés comme des antiques […] la concurrence était si grande aux livres de Madame la duchesse de Berry qu’elle avait presque l’air d’une émeute […]». En 1838, elle achète le château de Brünnsee, en Autriche, où elle reconstitue une importante bibliothèque. La situation redevient alarmante et la duchesse de Berry croule sous les dettes. Son fils la somme alors de se séparer de toutes ses collections et le 22 mars 1864 sont vendus 35 très précieux manuscrits. Beaucoup de ses livres réapparaissent également dans plusieurs ventes posthumes. Le 20 février 1885, quinze ans après sa mort, a lieu à Paris une vente de livres et manuscrits précieux de sa bibliothèque. À Londres, le 14 avril 2011, Sotheby’s disperse plusieurs livres et souvenirs de la duchesse de Berry provenant de la famille Lucchesi-Palli et enfin, le 21 novembre 2012, une vente parisienne présente un bel ensemble de livres réunis par Jean Lebaudy dont le grand-père avait acheté le château de Rosny en 1869. La passion d’Hubert Guerrand-Hermès pour la duchesse de Berry l’a conduit à partager son goût pour la bibliophilie. Il s’est attaché non seulement à rassembler un grand nombre de livres lui ayant appartenu mais aussi des manuscrits et des ouvrages, témoins directs ou indirects de sa longue et tumultueuse vie, de celle de ses proches et de ses fidèles soutiens. Parmi les lots phares figure un exceptionnel manuscrit du XIIe siècle réunissant deux textes de S. Augustin (De trinitate et les Confessions), témoignage du goût de la duchesse pour les manuscrits médiévaux. Férue d’un moyen âge redécouvert et réinventé, elle fut l’une des propagatrices du style troubadour qui s’invite jusque dans les ateliers de reliure. René Simier, à qui l’on doit la magistrale reliure de son exemplaire de Paul et Virginie, réalisa ainsi pour son illustre cliente de nombreuses reliures «à la cathédrale». La naissance de l’“enfant du miracle” est l’occasion de somptueux cadeaux bibliophiliques. Le rituel de Se Marguerite (patronne des parturientes) de l’abbaye de Saint-Germaindes-Prés, manuscrit enluminé en 1661 par Nicolas Robert pour Marie-Thérèse d’Autriche à l’occasion de la naissance du dauphin, rejoint la bibliothèque de la duchesse de Berry quelques jours seulement avant la naissance du duc de Bordeaux. C’est aussi pour ce jeune prince tant espéré que Doll revêt un missel, enrichi de planches imprimées sur soie et brodées, d’une spectaculaire reliure brodée. Les manuscrits patiemment rassemblés par Hubert Guerrand-Hermès nous mènent dans les coulisses de la vie de son héroïne. Le 24 avril 1816, quelques heures après son mariage par procuration, elle écrit à son époux, avec quelques fautes d’orthographe bien excusables : «Vous serez mon guide, mon ami, vous m’apprendrai à plaire à votre auguste famille […] C’est sur vous enfin, que je me repose entièrement du soin de ma conduite pour la diriger vers tout ce qui pourra procurer votre bonheur […]». Dans son journal de 1821, un an après l’assassinat du duc de Berry, elle confie : «Toutes ces fêtes sont pour moi un supplice j’ai l’air de ne pas souffrir mais la douleur la plus profonde est dans mon cœur je n’ai plus la seule personne que j’aimais». Son journal d’exil, sa correspondance pendant près de quarante ans, ses albums de dessins, les nombreux documents relatifs à son arrestation à Nantes, à sa captivité, à sa grossesse et à son accouchement à Blaye, permettent de revivre avec elle les moments heureux ou douloureux. La collection brosse également un tableau des débats et des bouleversements politiques qui émaillèrent cette époque. De grandes plumes du temps se mirent au service de Marie-Caroline et de sa cause. Chateaubriand, soutien indéfectible, confie à la duchesse d’Angoulême : «[…] quand j’aurai vu Henri V à cheval à la tête des grands dans la cour des Tuileries, alors je m’en irai content à Dieu» (minute autographe, 1833). Le tout jeune Victor Hugo se fait le chantre de la monarchie restaurée et publie successivement, en 1820 et 1821, trois odes sur la mort du duc de Berry, la naissance et le baptême du duc de Bordeaux. Balzac, quant à lui, s’insurge farouchement, dans un article de cinq pages, contre la destruction projetée de la chapelle expiatoire érigée en mémoire du duc de Berry. À travers les livres que la duchesse de Berry a collectionnés, chéris ou offerts, et ceux qu’elle a suscités, Hubert Guerrand-Hermès ravive le souvenir de cette femme d’action et de passion, de cœur et de raison.

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