7 Préface par Jean-François Piège ©James Brot Daniel Morcrette (1929-2022) a été l’un des plus grands libraires de gastronomie de la seconde moitié du XXe siècle. Né à Luzarches, dans ce qui était alors encore un petit village rural, Daniel Morcrette a été très tôt passionné par les livres, mais aussi par les jardins et les fruits de la terre, lui qui ne cessera jamais de cultiver le sien, comme un préambule nécessaire à toute bonne table. Les livres de gastronomie et de cuisine se sont imposés comme une évidence durant ses études à la Sorbonne, mais c’est sa rencontre avec Maurice Curnonsky, Prince des gastronomes, qui achèvera de convaincre le jeune libraire que ceux-ci pouvaient être aussi importants et poétiques que des éditions littéraires… Ses amitiés avec collectionneurs et grands chefs feront le reste, et il faut citer la relation particulière qu’il entretint toute sa vie avec Raymond Oliver et son épouse japonaise, qu’il rencontrait plusieurs fois par mois, au Grand Véfour ou à leur domicile. Il est à l’origine de l’immense bibliothèque de l’auteur des Recettes pour un ami, hommage de Raymond Oliver à son ami Jean Cocteau, et si important pour moi, que j’avais économisé pendant trois mois à 18 ans pour pouvoir me l’offrir. À côté des quelques deux-cents catalogues de livres précieux qu’il a rédigés, Daniel Morcrette n’a eu de cesse de vouloir rendre accessible ces trésors que sont les livres anciens de cuisine, souvent rares et parfois en piteux état, puisque ce sont des livres qu’on lit… Chaque année sera l’occasion d’une réimpression, d’ouvrages mythiques et introuvables comme Le Viandier de Taillevent, Le Vray Cuisinier François de La Varenne ou encore La Cuisiniere françoise de Menon. Pour le bibliophile, ce sera aussi le moyen d’avoir, à côté de son édition ancienne, un ouvrage de travail qui conserve le sel des caractères typographiques et des mises en page des temps passés, mais que l’on peut compulser à loisir…même en cuisine ! L’immense carrière de Daniel Morcrette a enfin été l’occasion de découvertes émouvantes et extraordinaires, comme ces manuscrits complets de L’Heptameron des gourmets d’Edouard Nignon, mon auteur fétiche, à l’origine de la cuisine moderne. L’histoire des rapports entre les cuisiniers et leurs bibliothèques reste à écrire, mais gageons que ces livres de recettes, dont la précision diminue avec l’âge, auront toujours besoin, comme autant de partitions musicales, de chefs ou d’amateurs passionnés pour les interpréter.
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