BIBLIOTHÈQUE ALAIN MOATTI

43 Ce livre est un paradoxe à lui tout seul : destiné aux voyageurs d’une Italie catholique, il fut rédigé par un huguenot férocement antipapiste. Immense succès de librairie, le Nouveau Voyage d’Italie servira de vademecum aux voyageurs européens des Lumières, catholiques compris. L’Italie de Misson marquera les voyageurs des Lumières, comme par exemple le président de Brosses. L’ouvrage se distingue des autres écrits sur l’Italie par une approche critique semblable à celle d’un Pierre Bayle. On n’y trouve aucune louange. Misson décrit ce qui lui semble mériter l’attention : églises, bibliothèques, arsenaux, châteaux, Trésors et cabinets de curiosités. Parmi ces derniers, il cite le cabinet de l’Université de Leyde, celui de M. Viati à Nuremberg, le château de l’Électeur Palatin à Neubourg, les cabinets d’Ambras et de Vérone font l’objet d’une description précise. Le texte est toujours très documenté - tant dans ses sources écrites qu’orales – et d’une lecture agréable. L’ironie discrète n’est pas le moindre charme du discours. Le premier volume est consacré à la traversée de l’Allemagne. Les deux voyageurs entrent en Italie par le Brenner et Trente puis se rendent à Venise et Padoue, puis Lorette. Le deuxième traite de Naples, du Vésuve et de Rome. Le troisième voit l’itinéraire des deux voyageurs remonter vers la Savoie et la France. Puis, ils visitent Strasbourg et retournent à Venise pour le carnaval avant de visiter Modène, Reggio, Pavie et Gênes, Rome de nouveau, puis Lucques et Florence dont il décrit longuement les peintures principales (p. 220), de nouveau Gênes et Novi, etc. Misson remarque aussi que “la plupart des jeunes gens que leurs parents envoient en Italie sont des enfants qui n’ont encore ni goût ni discernement”. Ce guide s’adresse donc d’abord à ceux qui ont “quelque capacité”. Les exemplaires du Misson, homogènes et aussi bien reliés que celui-ci, sont rares. La reliure, avec ce petit soleil en queue du dos, peut être attribuée à Luc-Antoine Boyet. On notera que Misson, opposé à la doxa catholique, est dans ce guide un partisan du quiétisme dont les développements en Italie sont connus. Protestant, Misson apprécie les contestataires du catholicisme romain. De retour en Angleterre, il sera impliqué dans les prophéties et nombreuses extases mystiques des protestants cévenols réfugiés. Ils furent condamnés en 1707 par le consistoire des églises protestantes françaises établies en Angleterre. Misson se fit leur avocat dans un ouvrage très documenté : Le Théâtre sacré des Cévennes (1707). BIBLIOGRAPHIE : S. Rossetti, Rome : A Bibliography from the Invention of Printing Through 1899, Florence, L. S. Olschki, 2004, n° 7094, ne donne pas de collation et précise que “the number of plates may vary from copy to copy” -- d’Ancona, Bibliografia del viaggi e delle descrizioni d’Italia, p. 103 -- Jeanne-Marie Métivier, “Luc-Antoine Boyet, relieur de l’imprimerie royale (1704-1723)”, Revue de la Bibliothèque nationale de France, 2002, 12, pp. 41-46 3 000/5 000 €

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