AUCTIONART - MANUSCRITS RARES

64 Clément Marot publia sa traduction du premier livre des Métamorphoses en 1534 (Paris, E Roffet). Cette traduction fut révisée dans les éditions suivantes de 1538 à 1543. Marot commença sa traduction du livre II en 1540. Nous savons que ces éditions furent précédées d'une tradition manuscrite. Dans la dédicace de la première édition de 1534 (« Au tresillustre et treschrestien Roy des Françoys premier de ce nom, Clement Marot de Cahors en Quercy… »), Marot évoque une lecture faite devant le roi François Ier à Amboise de « quelcque commencement » de sa traduction (voir Mayer, ed. C. Marot, Œuvres complètes, VI, Les traductions, Genève, 1980, p. 115 ; voir aussi Cooper, 1997, p. 302). Dans sa préface au volume consacré aux traductions de Marot, Mayer suggère que « c’est probablement au mois d’août 1526, que le poète lut devant le roi au Château d’Amboise des fragments de cette œuvre ». Pour Mayer, Clément Marot a commencé sa traduction avant d’entrer au service du roi en 1527 puisque dans la dédicace de 1534, Marot dit écrire sa traduction afin que « par là je peusse devenir (au fort) le moindre de vos Domestiques… ». Pour Gaudu, le « Manuscrit Parguez » ou « Manuscrit Lucien-Graux » n’est pas le premier texte lu mais bien « un texte élaboré, peut-être celui que Marot offrit au roi, puis vers 1530, au duc de Lorraine, venu à Paris… » (Gaudu, 1924, p. 258-259). Il est probable que Gaudu confond ici deux manuscrits mais c’est avant la connaissance de l’existence du manuscrit de Oxford. Antérieur à l’édition, le « manuscrit Parguez » offre des différences notoires avec l’imprimé et sur les 1392 vers qu’il contient, il y en a 392 qui s’écarte de l’édition de 1534. Gaudu publie en 1924 une transcription du début du manuscrit. De fait, depuis les travaux de Gaudu, un autre manuscrit a été localisé (Oxford, Bodleian Lirbary, MS 117) et étudié par Cooper (1997, 2007) et Orth (2015). Ce manuscrit serait l’exemplaire de dédicace offert au roi, lors de son passage à Lyon, et la nouvelle attribution des miniatures qui illustre ce manuscrit, dorénavant considérées de la main de Guillaume II Le Roy, peintre lyonnais, suggère effectivement une date de réalisation vers 1526 ou 1527, en tout cas avant la mort du peintre en 1528 (voir E. Burin, Manuscript Illumination in Lyons 1473-1530, Turnhout, 2001, pp. 33-37; et Orth (2015) pp. 227-229). Si l’on admet qu’il pouvait y avoir plusieurs exemplaires de dédicace selon les mécènes ciblés, Clément Marot a pu offrir un premier manuscrit au roi, avec un cycle de peintures et une mise-en-page sur parchemin soignée (Oxford, Bodleian Library, MS 117), puis un second manuscrit, peutêtre retravaillé, puis un autre encore. Le présent « Manuscrit Parguez » semble donc être un autre exemplaire de dédicace, peut-être celui fait pour Antoine de Lorraine (mort en 1544) à qui Marot promettait un exemplaire si l’on en croit une épître du poète (voir Mayer, Les Epîtres, 1964, p. 165, no. XXI). "A Monseigneur de Lorraine, nouvellement venu a Paris [...] Et te supply prendre en gré le present / Que je te fay de ce translaté Livre...". Orth (2015) considère que le manuscrit Parguez est bien celui dédié et offert au duc de Lorraine. Toutefois, Cooper parle effectivement de trois manuscrits connus et l’exemplaire du duc de Lorraine pourrait être encore non localisé. Cela signifierait que le « manuscrit Parguez » aurait été conçu pour un troisième dédicataire, inconnu pour l’heure : « Once the translation of Book One was complete, Marot commissioned various copies from scribes and illuminators at considerable expense, which he then hoped to recoup from dedicatees : there is evidence of three copies, all predating publication in 1534. One, not currently traced, was presented in the winter of 1530-31 to Antoine duc de Lorraine, when he came to Paris for the king’s wedding to Eleanor. A further vellum copy, illuminated and embellished with five miniatures, was last seen at auction in 1957, but the text is preserved in a modern transcription. The only extant copy of Marot’s manuscript is in the Bodelian Library, adorned with 12 large miniatures… » (Cooper, 2007, p. 123). Il demeure que seule la comparaison attentive des deux témoins manuscrits enluminés connus conservant la traduction du premier livre des Métamorphoses d’Ovide et la résurgence du « Manuscrit Parguez » permettra une confrontation philologique intéressante entre manuscrits et éditions imprimées. Les états du texte ont certainement évolué et l’on sait que Clément Marot retravaillait ses textes d’une édition à l’autre, peut-être ici d’un manuscrit à l’autre. Le manuscrit est également un beau témoin de la propagande iconographique voulue par et pour François Ier tel qu’exposé par A.M. Lecoq dans son François Ier imaginaire (Paris, 1987) et pour l’étude de la dimension visuelle de l’œuvre de Clément Marot. MANUSCRIT CITÉ : Gaudu, 1924, pp. 258-269. – Villey, 1923 [reprint 1967], p. 68 et p. 413. – Mayer, 1972, pp. 246-247. – Mayer, 1980, pp. 10-12, manuscrit cité p. 11 : « Il existe un manuscrit d’une version peut-être originale, et très différente de la version imprimée en 1534, du premier livre des Métamorphoses. Or ce manuscrit se trouve actuellement on ne sait où, l’acheteur étant arrivé à garder un parfait incognito ». – Cooper, 1997, manuscrit cité p. 303 et p. 304 : « Gérard Defaux a préféré très prudemment ne publier que ce qu’il a pu vérifier lui-même, et il ne donne que le texte imprimé, mais il a lancé un appel au propriétaire actuel du manuscrit perdu de se faire connaître ». – Cooper, 2007, p. 123, note 31. – Orth, 2015, p. 227et p. 229. f. 19v, Le déluge de Deucalion et Pyrrha. 89_3. 65

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