AUCTIONART - MANUSCRITS RARES

22 23 9, 38v, 218). Sans pouvoir l’affirmer avec certitude, il semble que l’on puisse reconstituer le nom IEAN en considérant la cordelière comme formant une lettre « A ». Notre commanditaire se prénommerait bien « Jean ». Cette reconstitution du prénom « Jean » suivrait donc un autre exemple semblable à savoir le monogramme d’Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne (14211504). Sur le même modèle on reconstitue le prénom d’ANTHOINE (voir monogramme dans Münich, Bayerische Staatsbibliothek, ms. Cod. gall. 28, f. 130 ; C. Van den Bergen-Pantens, « Héraldique et bibliophilie: le cas d’Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne (1421-1504) » in Miscellanea Martin Wittek: Album de codicologie et de paléographie offert à Martin Wittek, ed. by A. Raman and E. Manning, Louvain, Paris, 1993, pp. 323-353). Si l’on admet que le commanditaire se prénommait « Jean », on comprend mieux la part belle réservée aux saints patrons Jean l’Evangéliste et Jean-Baptiste, notamment dans les miniatures marginales latérales (ff. 11v, 12, 12v, 60v, 61v, 68, 73v, 92v, 93, 178, 178v, 186) même si ces saints sont des saints importants et fréquemment mis en avant. Toutefois, il n’est pas anodin de voir un dévot (ou le commanditaire ?) figuré d’abord seul avec saint Jean l’Evangéliste (f. 68) puis tourné en prière devant saint Jean-Baptiste (ff. 178v-179). De plus, ce même dévot ou commanditaire semble s’être fait représenté à différentes périodes de son existence (à l’instar de Louis de Laval dans les Heures de Louis de Laval) et dans des scènes de dévotion (par exemple : ff. 4, 5v, 7, 7v, , 9, 9v, 23v, 24v, 25v, 29, 32v, 38, 45v, 54v, 55v, 69, 71, 72, 73, 78, 83, 85v, 90, 96, 99v, 108, 110, 112, 115v, 118, 132, 139v, 141v, 145v, 151v, 154v, 159v, 161v, 164v, 171, 172v, 179, 180, 180v, 199v). Cela rappelle aussi les nombreux portraits de Louis de Laval qui scandent son livre d’heures (Paris, BnF, latin 920 ; voir Seidel et Gras, 2020, pp. 192-193). Dans le Jugement dernier, on soulignera la présence de saint Jean-Baptiste, un des deux intercesseurs peints de part et d’autre du Christ en majesté. De fait on trouve saint Jean-Baptiste dans d’autres représentations du Jugement dernier mais il est intéressant de souligner que le commanditaire a certainement fait part de son souhait de voir son saint patron inclus dans la scène et a fait placer cette miniature au commencement du manuscrit, immédiatement après le calendrier, ce qui constitue une place pour le moins atypique. Dans le Jugement dernier de ces Heures Bureau, on remarque une figure plus grande de clerc tonsuré qui ressucite de sa tombe au premier plan, peut-être encore une allusion au commanditaire ? On trouve au calendrier des mentions liturgiques sur les degrés de solennité des fêtes qui suggèrent que ce livre d’heures était destiné à un clerc plutôt qu’à un laïc (ce qui n’est pas le cas par exemple dans les Heures de Louis de Laval). Dans les textes pour l’Office de la Vierge, pour matines des Heures de la Vierge on trouve aussi des instructions liturgiques que l’on ne trouve pas dans un livre d’heures plus classique : “Notandum est quod a pascha usque ad pentecostem qualibet antiphona matutinas… » (ff. 31-31v). Ces instructions liturgiques sont copiées dans un module d’écriture un peu plus petit, sans rubriques. Plus étonnant encore, et s’expliquant peut-être par le fait qu’un clerc officiait des messes de mariage, on trouve inclus dans ces Heures un rituel de marriage (ff. 216-219v) ce qui de nouveau est tout à fait atypique : on ne connait pas d’équivalent et qui semble être une commande particulière. Ces derniers feuillets font partie intégrante du manuscrit et présentent un décor homogène et ne sont pas un rajout tardif. Si dans ce rituel de marriage, les noms « Jehan et Marie » évoqués dans les passages en français sont f. 9, Dévot (Jean Bureau ?) en prière devant un autel (initiales N et E sur le parement d’autel f. 1, Jugement dernier, Christ en majesté entre la Vierge et saint Jean-Baptiste. f. 68, Dévot (Jean Bureau ?) agenouillé devant saint Jean l’Evangéliste portant une coupe. génériques et ne désignent pas un couple précis et documenté, on peut légitimement s’interroger sur la raison pour laquelle ce rituel est inclus dans ce livre d’heures. On pourrait supposer que le rituel fut prévu dans ces Heures dont le commanditaire était un prélat et qui a très bien pu marier des couples. Est-ce un clin d’oeil aux récents beaux mariages conclus par les soeurs de Jean Bureau, à savoir Isabelle Bureau avec Geoffroy Coeur ou plus encore celui de Philippa Bureau avec Nicolas de la Balue, chevalier, maître des comptes et conseiller du roi ? Dans la grande miniature qui illustre ce rituel, variante d’une composition souvent representée à savoir le Mariage de la Vierge, on remarque que le couple semble bien un couple réel (et non pas une figuration de Marie et Joseph) et on note aussi le regard de l’évêque qui célèbre le mariage, tourné vers la mariée, peut-être sa propre soeur ? Le mariage Bureau-Balue fut en partie célébré à l’hôtel Bourbon à Paris en 1467 : parmi les convives on compte le roi Louis XI et la reine Charlotte de Savoie mais aussi le duc et la duchesse de Bourbon ainsi que Jeanne de Valois, comtesse de Bueil (troisième fille de Charles VII et Agnès Sorel). Les festivités furent décrites par le chroniqueur Jean de Roye, notaire de Louis XI, qui precise que le couple reçut « de moult grans, beaulx et riches dons » (Journal de Jean de Roye: connu sous le nom de Chronique scandaleuse, 1460-1483, vol. 1, Paris, 1894, pp. 178179). Les miniatures du present rituel de mariage (ff. 216-219) font-elles allusion à cette cérémonie nuptiale et la fête qui s’ensuivit ? Ces années furent difficiles pour le couple Balue-Bureau suite aux saisies et confiscations effectuées sur les biens du cardinal-évêque Jean de la Balue, frère de Nicolas de la Balue, accusé de trahison et emprisonné sous Louis XI. Parmi les pieces réclamées par Nicolas de la Balue et Philippa Bureau, on relève une tapisserie qui portait « deux lettres enveloppées » à l’image de celle qui figure dans la miniature de de la scène de banquet nuptial (f. 218) (voir J. Claustre-Mayade, « Esquisse en vue d’une anthropologie de la confiscation royale: la dispersion des biens du cardinal Balue », Médiévales 56 (2009), pp. 131-150). Jean Bureau fils, évêque de Béziers, proche des milieux royaux par sa famille et par son statut de haut prélat, nous apparait comme un commanditaire plausible pour ces Heures. Ceci est évidemment soutenu par un élément héraldique essentiel, à savoir la présence des armoiries de la famille Bureau peintes en camaïeu d’or, discrètement insérées dans les riches encadrements architectures dorés à trois reprises dès la première campagne d’enluminure. De plus amples recherches sont nécessaires pour mieux connaitre le mécénat de ce prélat et ses rapports avec les enlunimeurs de son temps en particulier le jeune Jean Colombe auquel il aurait confié le soin de peindre de précieuses Heures. f. 31, Pentecôte ; dans le texte, mentions liturgiques f. 218, Scène de banquet nuptial avec un semé d’initiales N et E liés par une cordelière en arrière-plan (tenture ? tapisserie ?)

RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==