AUCTIONART - MANUSCRITS RARES

18 19 Les Heures Bureau contiennent un ajout rare en fin de manuscrit, à savoir un rituel de mariage et donc serait un manuscrit sans doute prévu pour un clerc amené à célébrer des mariages. Il est possible que ce livre d’heures ait pu être commandité par Jean Bureau fils, alors évêque de Béziers (1457-1490), dont la famille était solidement ancrée en Ile-de-France, dans la Brie ainsi qu’à Paris, peut-être pour commémorer le mariage d’une fille de la lignée Bureau, sans doute celui de sa sœur Philippa Bureau avec Nicholas ou Nicole de la Balue (mort en 1506) le 18 septembre 1467 (voir Journal de Jean de Roye, Chronique scandaleuse, vol. 1, Paris, 1894, pp. 178-179). Signalons un autre mariage important parmi les enfants de Jean Bureau et Germaine Hesselin, celui d’Isabeau ou Isabelle Bureau (morte en 1521) avec Geoffroy ou Geoffrey Cœur (mort en 1488), dernier fils de Jacques Cœur, célébré le 29 août 1463. Isabeau Bureau était la sœur de Philippa Bureau (épouse Balue) et donc la sœur aussi de Jean Bureau, évêque de Béziers. Ce mariage Bureau-Cœur est important car il renforce les liens entre Bourges et la famille Bureau et pourrait en partie expliquer le choix de Jean Colombe comme artiste pour peindre les présentes Heures bien que Colombe avait déjà parmi sa clientèle plusieurs familles de hauts serviteurs royaux. On rappellera que Jean Colombe a peint des manuscrits liés à la famille Cœur, en particulier un Missel-pontifical pour Jean Cœur (1421-1483), archevêque de Bourges et un autre fils de l’Argentier Jacques Cœur (New York, Pierpont Morgan Library, G 49 : on trouve dans ce manuscrit aussi des armories de la famille de Harlay sachant que la nièce de Jean Cœur, Germaine Cœur (fille d’Isabeau Bureau et de Geoffroy Cœur) a épousé Louis de Harlay ; voir P. Chenu, « Le livre des offices pontificaux de Jean Cœur, archevêque de Bourges », in Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, XLVIII, 1940, pp. 1-32 ; Seidel, 2017, p. 129 ; Seidel, 2018, p. 103). On signalera aussi un livre d’heures peint pour un membre de la famille Cœur avec certaines miniatures peintes plus tardivement par Colombe et/ou son atelier et figurant de nombreux emblèmes et devises de la famille Cœur (Münich, BSB, Clm 10103, datable de la seconde moitié des années 1480 ; voir L. Delisle, « Les Heures de Jacques Cœur (Munich) », in Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 65 (1904), pp. 126-131 : le manuscrit aurait été réalisé pour le petit-fils de l’Argentier à savoir Jacques II Cœur, fils d’Isabeau de Bureau et de Geoffroy Cœur ; le manuscrit passa ensuite dans la famille de Baillancourt ; C. Schafer, « Communication sur le livre d’heures dit de Jacques Cœur de la Bibliothèque de Münich », in Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1971, pp. 143-156). Si Jean Bureau père aurait pu constituer un bon candidat comme commanditaire des présentes Heures, sa mort en 1463 l’exclut f. 157, Clerc tonsuré dans une salle aux colonnes brisées « en dents-de-scie » [miniature enluminée]. f. 216, Scène de mariage devant le parvis d'une Église. d’autant que Colombe peint a priori les Heures Bureau à la fin des années 1460 (vers 1468-1470 ?), en tout cas nécessairement au moment où il complète (ou peu après) les Heures de Raguier (?)-Robertet, tâche qu’il accomplit circa 1465-1470. Par contre son fils homonyme Jean Bureau, seigneur de Monglat, La Houssaye, La Malmaison fut conseiller du roi, archidiacre de Reims puis évêque de Béziers (1457-1490) et pourrait être le commanditaire des présentes « Heures Bureau ». Nous proposons ici quelques indices et pistes de réflexion allant dans ce sens. Dans les Heures Bureau, il y a neuf feuillets qui ont été déplacés, à notre avis à dessein et sans doute à la demande du commanditaire. Ces feuillets sont ceux qui portent la foliotation moderne ff. 2-10v. Dans la collation, on remarque qu’à la suite du calendrier (2 cahiers de 6 feuillets, foliotés ff. I-XII), on a inséré un singleton (f. 1), miniature du Jugement dernier (à titre de comparaison cette scène figure au feuillet 335 des Heures de Louis de Laval), mais aussi ces neuf feuillets qui contiennent les prières Stabat Mater (illustrée de la Déploration du Christ devant la Croix (f. 2)) et Dulcissime Domine (illustrée par le Salvator Mundi (f. 4v)) et qui traditionnellement auraient été placés en fin de manuscrit, après les Psaumes de la Pénitence. Dans les Heures Bureau, il y a en plus une miniature figurant la Messe de saint Grégoire (f. 10v), avec du texte au recto (f. 10, fin de la prière Dulcissime Domine), a priori le premier feuillet d’un cahier qui devait contenir à la suite de la miniature le texte O bone Ihesu pour les Sept prières de saint Grégoire (que l’on trouve dans les Heures de Louis de Laval aux ff. 294-296). Le placement de ces feuillets (cahier iv de la collation composé de 8 feuillets plus un feuillet isolé) à cet endroit précis, avant les Péricopes évangéliques, permettait de créer un diptyque plaçant face à face la Messe de saint Grégoire et le saint Jean l’Evangéliste sur l’île de Patmos. On remarquera dans la Messe de saint Grégoire un des clercs tonsurés dont le visage est particulièrement personnalisé (comme celui de saint Grégoire d’ailleurs) : ce personnage tient un livre, détail intéressant si l’on considère que cela peut être le commanditaire qui s’est fait figurer un livre à la main. Faut-il y voir le portrait de Jean Bureau ? De plus dans les miniatures marginales latérales, on trouve à plusieurs reprises un dévot ou clerc agenouillé tenant un livre ou représenté avec un livre posé devant lui (ff. 60v, 134, 139v, 156v, 163, 179, 180). Autre indice, on relève à de nombreuses reprises le monogramme N et E relié par un lac ou une petite cordelière (par exemple aux ff. 4, f. 156v, Homme tenant un livre ouvert [miniature peinte en camaïeu d’or]. f. 139v, Dévot agenouillé en prière devant un livre au sol [miniature peinte en camaïeu d’or].

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