ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

68 les collections aristophil 45 BALZAC HONORÉ DE (1799-1850) MANUSCRIT autographe signé, Ursule Mirouët, [1841]; 145 feuillets in-4 (28,6 x 21,6 cm) sur papier bleuté, montés sur onglets, reliure demichagrin brun à coins, filets dorés, dos à nerfs, sous boîte-étui. SIGNED AUTOGRAPH MANUSCRIPT, Ursule Mirouët, [1841]; 145 leaves, in-4 (28,6 x 21,6 cm – 11,2 x 8,5 inches) on blue paper, mounted on tabs, half-binding of brown goatskin, with leather corners. One of only two manuscripts of novels by Balzac still in private hands. 800 000 / 1 200 000 € Exceptionnel manuscrit complet d’un roman de Balzac, un des deux seuls encore en mains privées. Écrit en juin-juillet 1841, le roman d’Ursule Mirouët est publié en feuilleton dans Le Messager du 25 août au 23 septembre 1841, en 21 chapitres, avant d’être édité chez Hippolyte Souverain en mai 1842, en 2 volumes, où il est dédié à Sophie Surville, nièce de l’auteur (dédicace datée «Paris, août 1841»). En janvier 1843, il est repris dans le tome 5 de La Comédie humaine (Furne), en tête du premier volume des Scènes de la vie de province. Dans ses lettres à Mme Hanska, Balzac a désigné Ursule Mirouët comme «le plus bel ouvrage» (5 janvier 1842), «le chef-d’œuvre, selon moi, de la peinture des mœurs» (1er mai 1842). Et encore : «Ursule Mirouët est la sœur heureuse d’Eugénie Grandet» (14 octobre 1842). L’action se passe à Nemours, où s’est retiré le docteur Minoret avec sa filleule et pupille Ursule Mirouët. La fortune du docteur excite la convoitise de ses nombreux parents et héritiers potentiels, et leur jalousie à l’égard d’Ursule. À la mort de Minoret, son neveu Minoret-Levrault va détruire le testament et voler les titres de rente qui devaient assurer la dot d’Ursule. La jeune fille, en butte aux persécutions du couple Minoret-Levrault, va recevoir, par de mystérieuses apparitions de l’ombre du docteur, la révélation des manœuvres qui l’ont ruinée; elle est soutenue par l’amour de Savinien de Portenduère, et par l’action du bon abbé Chaperon. Frappé par un coup du destin qui tue son fils unique, Minoret-Levrault restituera ses biens à l’héroïne, et Ursule trouvera enfin la fortune et le bonheur en épousant Savinien. Ce roman de «jeune fille» qui devient un roman d’amour est aussi une dramatique étude de mœurs, montrant l’affreuse cupidité des petits bourgeois de province, ainsi qu’une «étude philosophique» sous le signe mystérieux du surnaturel. Le manuscrit, de premier jet, a servi pour l’impression, comme le montrent les noms des typographes inscrits dans les marges. Il est écrit d’une traite, à l’encre brune, d’une écriture régulière, fine et penchée, au seul recto d’un papier légèrement bleuté, avec des corrections portées au fil de l’écriture : mots cancellés, corrections interlinéaires, soit plus de 500 mots ou passages biffés. Une marge de 6 cm a été réservée à gauche, dans laquelle Balzac a porté environ 300 additions ou corrections, allant d’un mot à des phrases entières, ajoutant une réplique, complétant la description d’un personnage, ajoutant un développement qui, à quatre reprises, se poursuit au verso du feuillet (ff. 99, 100, 101 et 111). La page 1 a été légèrement rognée dans le haut (et réparée) pour faire disparaître une dédicace dont ne subsiste que la signature : «l’auteur de Balzac», avec l’adresse de son pied-à-terre parisien «rue Richelieu, 112». Sur le manuscrit, le roman est divisé en six chapitres (qui deviendront 21 lors du découpage en feuilleton) : I. Les héritiers alarmés (f° 1); II. Enfance et Vieillesse (f° 25); III. Savinien (f° 52); IV. [Le testament du Docteur rayé] La Succession Minoret (f° 83); V. [Ursule persécutée rayé] Les finesses de province (f° 102); VI. Combien il est difficile de voler ce qui [est volable rayé] semble le plus volable (f° 125). Aux pages 99 à 101, de longues et importantes ratures «trahissent les hésitations de l’auteur sur l’orientation à donner à l’intrigue après la mort du docteur Minoret et révèlent, dans 34 lignes de ratures souvent illisibles, qu’il fut tenté de marier immédiatement Ursule et Savinien», remarque Madeleine Fargeaud dans son édition du roman dans la Bibliothèque de la Pléiade, qui relève aussi que Balzac avait d’abord songé à rendre Savinien amoureux de la marquise d’Espard et non d’Émilie de Kergarouët; le clerc de notaire Goupil se nomme Vanin dans le manuscrit, où «ni les dates, ni les lieux, ne varient beaucoup par rapport à ceux du texte imprimé et, dans l’ensemble, on peut dire aussi que le déroulement des faits est sensiblement le même»; mais le roman sera, selon l’habitude de Balzac, considérablement développé et enrichi lors de la correction des épreuves, notamment en ce qui concerne les personnages secondaires. Le manuscrit s’achève un peu brusquement avec le mariage d’Ursule et par cette phrase : «Il [François Minoret] est très cassé, très vieilli, ses cheveux sont blancs, et il s’est constitué le régisseur de monsieur et de madame de Portenduère qui passent cinq mois de l’année à Paris où ils ont acheté l’un des plus beaux hôtels du faubourg St Germain». Dans le texte publié, Balzac ajoutera un développement sur la destinée des personnages secondaires. Le manuscrit, explique Madeleine Fargeaud, révèle «dans les éclairages, les dialogues et surtout la conception des personnages secondaires, des variantes intéressantes par rapport au texte imprimé. Notons d’abord que l’amour n’intervient pas dans la vie de Désiré Minoret-Levrault, qui rentre à Nemours non pour arracher à ses parents leur consentement à son mariage avec la courtisane Esther, la Torpille, mais parce qu’il est criblé de dettes. On remarquera aussi un changement assez sensible entre le juge de paix Bongrand du manuscrit et celui du roman. Le premier ne songeait pas à marier son fils avec la fille du maire pour l’excellente raison que ce fils n’existait pas, ce qui permettait au maire de désirer pour gendre Savinien de Portenduère. Il justifiait en outre mieux que le second la défiance du docteur Minoret à son égard, car, homme

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