ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

58 les collections aristophil Les trois autres parties sont restées à l’état de plan détaillé, avec la chronologie quotidienne de chaque mois, et le détail numéroté des 150 perversions de chaque partie, et le résumé des événements scandaleux survenus au château pendant chaque période. La «Deuxième partie» (décembre) est narrée par la Champville, avec les 150 «passions de seconde classe, ou doubles»; la «Troisième partie» (janvier) est contée par la Martaine, avec les 150 «passions de troisième classe, ou criminelles»; la «Quatrième partie» (février) est narrée par la Desgranges, avec les 150 «passions meurtrières, ou de quatrième classe». Le rouleau s’achève par la macabre comptabilité des victimes : sur les 46 personnes enfermées dans le château, «il y en a eu 30 d’immolés et 16 qui s’en retournent à Paris»… Sade ajoute deux notes en vue de la rédaction future d’après ce plan, dont une sur des «supplices en supplément»; plus une «liste des différents objets de morale traités dans la lettre du comte». Ainsi s’achève ce «gigantesque catalogue de perversions», selon Jean Paulhan. Citons encore Maurice Blanchot: «On peut admettre que, dans aucune littérature d’aucun temps, il n’y a eu un ouvrage aussi scandaleux, que nul autre n’a blessé aussi profondément les sentiments et les pensées des hommes»; et Jean-Jacques Pauvert : «Jamais à aucune époque, dans aucune littérature, on n’avait rien écrit d’aussi scandaleux, d’aussi repoussant, d’aussi insupportable». Ce rouleau, rangé à l’origine dans un étui, et caché entre deux pierres, abandonné par Sade dans son cachot de la Bastille quand on l’en a extrait brusquement le 2 juillet 1789 (douze jours avant la prise de la forteresse) pour le transférer à Charenton, fut retrouvé dans son cachot par un certain Arnoux de Saint-Maximin, qui le vendit à la famille de Villeneuve-Trans. Publié pour la première fois en 1904, de façon très fautive, par son nouveau propriétaire, le psychiatre et sexologue allemand Iwan Bloch (sous le pseudonyme d’Eugène Dühren), racheté en 1929 par Charles et Marie-Laure de Noailles, le manuscrit est confié à Maurice Heine qui en donne une édition de référence (1931-1935). À la mort des Noailles, le rouleau passe à leur fille Nathalie. Il est volé en 1982 par l’éditeur Jean Grouet, qui le vend illicitement au bibliophile suisse Gérard Nordmann. Une bataille judiciaire s’engage, menée par Carlo Perrone, le fils de Nathalie de Noailles; la justice suisse, contrairement à la justice française, valide la possession du manuscrit par Gérard Nordmann. Un temps déposé à la Fondation Bodmer à Genève, le manuscrit, à la suite d’une transaction entre la famille Nordmann et Carlo Perrone, est acquis en mars 2014 par Aristophil et peut rentrer en France.

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