ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

215 tion parisienne comme exécuteur en chef (Peugnez, devant la prison de la Roquette, le 1er février 1899), on pouvait lire dans la presse : «Tous les journaux s’accordèrent à rendre justice au jeune monsieur Deibler qui montra pour ses débuts à Paris un tournemain et une aisance de vieux praticien. Jeune, élégant, vêtu d’une redingote de couleur sombre, comme un témoin de duel sélect, il réalise dans la perfection le type du bourreau moderne. On peut, après cet heureux essai, lui prédire une belle carrière et un nombre respectable de représentations». Les exécutions capitales avaient alors lieu en public, et attiraient un grand nombre de curieux. Il a tenu méticuleusement deux séries de carnets. 6 carnets d’«Exécutions», de 1885 à 1938, écrits à l’encre et au crayon. Deibler y rapporte le lieu et la date de son action (il ajouta ensuite l’heure et des mentions météorologiques), le nom du condamné à mort, les éléments de la condamnation (date, tribunal et motifs). Chaque exécuté est numéroté dans l’ordre chronologique. Ces comptes-rendus sont pour la plupart très sobres, objectifs et sans appréciations personnelles. Cependant, Deibler précise parfois quel a été le comportement du condamné à l’approche de la guillotine. 8 carnets de «Condamnations», de 1891 à 1939, écrits à l’encre et au crayon. En 1891, Deibler commence, parallèlement à la première, une seconde série de carnets intitulés Condamnations, où il expose les circonstances des crimes, en ajoutant parfois des renseignements sur le déroulement du procès. Ces carnets semblent avoir fait office de brouillon, Deibler y notant tous les détails des inculpations, avant même de connaître la sentence. Ce compte-rendu des audiences comporte aussi des précisions sur les peines prononcées : une croix rouge pour les exécutés, une croix bleue pour ceux dont la peine a été commuée; il barre d’une grande croix bleue les procès annulés pour vices de formes, suicides ou décès des condamnés, fusillés militaires... «“Brouillon” plus intime que les “carnets d’exécutions”, cet exercice constitue une soupape de sécurité psychologique dans son existence d’“écorcheur”» (Gérard A. Jaeger, Anatole Deibler, p. 92). Certaines notices précisent des anecdotes marquantes concernant le moment de l’exécution, «moment suprême» selon Deibler luimême : derniers actes ou paroles, comportements curieux, etc. «Il donna un violent coup de poing en pleine poitrine au gardien qui lui enlevait les fers et il fallut le ligoter à terre» (l’Italien Spagiari, exécuté à Chambéry, 9 mai 1891). Émile David (exécuté à Saint-Nazaire, 21 mars 1892) «s’adressant aux exécuteurs : Bonjour messieurs, faites votre devoir !». «Au moment de son exécution, il se refusa à marcher, il fallut le porter» (l’assassin Joseph Vacher, exécuté à Bourg, 31 décembre 1898). «Au cimetière, un professeur de la Faculté de Lille lui enlève la glande thyroïde, pour la greffée sur une jeune fillette atteinte de paralysie, l’opération réussie parfaitement, l’enfant est sauvée» (Henri Olivier, dit le Tigre, exécuté à Lille, 24 mars 1925). «Au moment de l’exécution, Couliou s’écria d’une voix forte : “Vive l’anarchie ! Mort aux vaches !”» (Yves Couliou, exécuté à Aix, 31 octobre 1925). «Arrivé devant la guillotine, il se raidit et, à très haute voix, dit : “Peuple dunkerquois, je suis innocent”» (Félix Bergeron, exécuté à Dunkerque, 25 juillet 1930). «Après avoir fumé un cigare, plusieurs cigarettes, et absorbé 2 verres de cognac, il se laissa entraver docilement, et marcha d’un pas ferme vers la guillotine. Au moment de basculer il cria d’une voix forte : “Au revoir les amis ! Mort aux vaches !”» (René Roos, exécuté à Beauvais, 28 août 1930). «Lorsque les deux aides le poussèrent sur la planche bascule, il se plia en deux en se jetant à gauche de la planche fatale, et se débattit pendant 2 à 3 secondes en criant : “Non ! Non ! Non ! Pas ça !” La chute du couperet lui coupa la parole» (Pasquale Passera, exécuté à Saint-Mihiel, 24 octobre 1931). «Il marcha d’un pas ferme vers l’échafaud. Aussitôt après la chute du couperet, la foule qui assistait de loin à l’exécution se mit à applaudir. L’avocat de l’assassin qui se trouvait devant la porte de la prison leur cria : “C’est indécent d’applaudir ainsi !”» (Emile Delanoë, exécuté à Coutances, 17 juin 1933)… Citons encore le bandit corse André SPADA, longuement évoqué dans le carnet d’Exécutions 1392 à 1938 : «I l refuse le verre de rhum. Au moment où on le prend par les bras pour l’entraîner vers la sortie, il dit : “Inutile de me tenir, je marcherai bien tout seul” [...] et après avoir embrassé le crucifix et le prêtre, le bandit au moment d’être basculé, dit par deux fois, d’un voix assurée et claire : “Au revoir à tous !”»… Etc. Ravachol. Deibler a œuvré comme assistant puis comme exécuteur en chef durant la période des grands procès touchant les radicaux et anarchistes : il a ainsi tranché ou aidé à trancher la tête à Auguste Vaillant (exécuté n° 57, 1894), Émile Henry (n° 62, 1894), Jeronimo Santo Caserio (assassin du président Carnot, n° 24, 1894), Mécislas Charrier (n° 255, 1922), Paul Gorguloff (assassin du président Doumer, n° 16, 1932), etc., sans oublier le célèbre Ravachol (n° 39, Montbrison, 11 juillet 1892) : «Montbrison. Cour d’Assises de la Loire. Audience du 23 juin 1892. Le nommé Koenigstein François Claudius; dit Ravachol, né à St-Chamond le 14 octobre 1859; est condamné pour: 1) Incendie et pillage dans la maison de campagne des époux Loy, à la Côte, près de St-Etienne, commis dans la nuit du 28 mars 1891. 2) Violation de sépulture de la baronne de La Rochetaillée, dans le cimetière de St-Jean-de-Bonnefonds, commune de Terrenoire, commise en vue de voler les bijoux pouvant se trouver sur le cadavre de la morte. Violation commise dans la nuit du 14 au 15 mai 1891. 3) Vol et assassinat de l’ermite de Chambles, Jacques Brunel, vieillard de 92 ans qui vivait solitaire au milieu des montagnes, et qui passait pour avoir un pécule assez rond. Crime commis au hameau de Notre-Dame-de-Grâce, territoire de la commune de Chambles dans l’après-midi du 18 juin 1891. 4) Double assassinat de la dame Marcon, âgée de 76 ans, et sa fille Marie âgée de 49 ans, quincaillière, rue de Roanne 13 à St-Etienne, double crime commis le 27 juillet 1891. 5) Auteur présumé d’un double assassinat sur la veuve Faure agée de 68 ans. Double crime commis à La Varizelle près de St-Chamond le 29 mars 1886. Cet individu, anarchiste, était déjà condamné par la Cour d’Assises de la Seine, aux travaux forcés à perpétuité, pour être l’auteur de plusieurs explosions de dynamite sur des immeubles du boulevard St-Germain, rue de Clichy, et à la caserne Lobeau, explosions commises à Paris en 1892. Fit preuve de violence, disant n’avoir aucun regret de ses actes, insultant la bourgeoisie, magistrats et l’aumônier de la prison et sur le... parcours de la porte de la prison à l’emplacement de l’échafaud, criant, chantant à tue-tête les mots orduriers. Criant au moment suprême: “Vive l’anarchie !”» (carnet Condamnations années 1891 à 1897). La Bande à Bonnot. Sur les quatre membres arrêtés vivants, Camille Dieudonné, André Soudy, Étienne Monnier et Raymond Callemin, Deibler exécuta les trois derniers le 21 avril 1913 à Paris (nos 162, 163 et 164): «Calmin Raymond, dit “Raymond la Science”, âgé de 22 ans 1/2, ouvrier typographe originaire de Bruxelles; condamné pour vols, tentatives d’assassinats et assassinats. 1) Nuit du 13 au 14 décembre 1911 : vol de l’automobile de Mr Normand à Boulogne/s/Seine. 2) Matinée du 21 décembre 1911 : attentat rue Ordener à Paris. Vol et tentative d’assassinat sur la personne d’un garçon de recettes de la Société générale, nommé Caby. [...] 7) Matinée du 25 mars 1912 : sur la route de Montgeron à Lieusaint, en pleine forêt de Sénart, vol d’une automobile et assassinat du chauffeur Mathildé. 8) Même matinée du 25 mars 1912 : avec l’auto volée, il se rend à toute vitesse à Chantilly, en compagnie de complices, ils s’arrêtent devant les bureaux de la Société générale, ils pénètrent en coup de vent dans l’agence, tuent le caissier, un employé et blessent seulement un autre commis, s’emparant de 47 550 francs, remontent en voiture et tirent des coups de carabine et de révolver sur ceux qui ont le courage de se mettre à leur poursuite. [...] Ces 4 anarchistes faisaient partie de la fameuse bande anarchiste, dont les principaux membres, Bonnot, Garnier et Valet furent tués par les gendarmes et la police» (Condamnations années 1908 à 1914). Landru. «Cour d’Assises de Seine & Oise. Versailles. Audience du 30 novembre 1921. Le nommé Landru Henri Désiré, âgé de 53 ans, né à Paris (19e arrondissement) le 12 avril 1869, est condamné pour avoir sciences humaines

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