209 151 VOLTAIRE (1694-1778) L.A.S. «V», aux Délices 18 août [1756], au comte de TRESSAN; 4 pages in-4 (legères mouillures sur les bords). Signed autograph letter, signed «V», Les Délices, 18 August [1756], addressed to the Count of TRESSAN; 4 pages in-4 (slight waterstains on the sides). 7 000 / 8 000 € Belle et longue lettre, parlant de la Pucelle, de D’Alembert et de la Clairon. «Vous etes donc comme Messieurs vos parents que j’ay eu l’honneur de connaitre tres gourmands. Vous en avez été malade. […] Je m’interesse à votre santé, à vos plaisirs, à votre gloire, à tout ce qui vous touche. Je prends la liberté de vous aimer de tout mon cœur. Vous avez vraiment fait une œuvre pie de continuer les avantures de Jeanne et je serois charmé de voir un si saint ouvrage de votre façon. Pour moy qui suis dans un etat à ne plus toucher aux pucelles je serai enchanté qu’un homme aussi fait pour elles que vous l’etes, daigne faire ce que je ne peux plus tenter». Il le prie de lui envoyer «cette honnette besogne qui adoucira ma cacochime vieillesse». Il n’a pas eu la force d’aller à Plombières : «cela n’est bon que pour les gens qui se portent bien, ou pour les demi malades». Il a la visite de D’ALEMBERT, «votre ami et tres digne de l’estre. Je voudrais bien que vous fissiez quelque jour le meme honneur à mes petites délices; vous etes assez philosophe pour ne pas dédaigner mon hermitage». Quant aux Anglais, il ne peut «comprendre comment ces dogues la qui dittes vous, se battirent si mal à Dettingue, vinrent pourtant à bout de vous battre. Il est vrai que depuis ce temps la, vous le leur avez bien rendu. Il faut que chacun ait son tour dans ce monde». Puis sur l’Académie : «Pour l’académie françoise, ou française, et les autres académies, je ne scai quand ce sera leur tour. Vous ferez toujours bien de l’honneur à celles dont vous serez. Quelle est la société qui ne cherchera pas à posséder celuy qui fait le charme de la société ? Dieu donne longue vie au Roy de Pologne [STANISLAS], Dieu vous le conserve ce bon prince qui passe sa journée à faire du bien, et qui Dieu mercy n’a que cela à faire. Je vous supplie de me mettre à ses pieds. Je veux faire un petit batiment chinois à son honneur, dans mon petit jardin. […] Mademoiselle CLAIRON est à Lyon. Elle joue comme un ange des Idamé, des Méropes, des Zaïres, des Alzires. Cependant je ne vas point la voir. Si je faisais des voiages, ce serait pour vous, pour avoir encor la consolation de rendre mes respects à madame de Bouflers, et à ceux qui daignent se souvenir de moy. Vous jugez bien que si je renonce à la Lorraine, je renonce aussi à Paris, où je pourois aller comme à Geneve, mais qui n’est pas fait pour un vieux malade planteur de choux»... Correspondance (Pléiade), t. IV, p. 834. 152 VOLTAIRE (1694-1778) L.A.S. «V», [aux Délices] 7 juin [1758], au comte de TRESSAN; 3 pages et quart in-8 (pli médian renforcé). Signed autograph letter, signed «V», [Les Délices] 7 June [1758], addressed to the Count of TRESSAN; 3 pages and a quarter in-8 (central fold reinforced). 6 000 / 8 000 € Jolie lettre du Suisse Voltaire. «Monsieur de FLORIAN ne sera pas assurément le seul mon très cher gouverneur qui vous écrira du petit hermitage des Délices. C’est un plaisir dont j’aurai aussi ma part. Il y a bien longtemps que je n’ay joui de cette consolation. Ma déplorable santé rend ma main aussi paresseuse que mon cœur est actif. Et puis on a tant de choses à dire qu’on ne dit rien. Il s’est passé des avantures si singulieres dans ce monde, qu’on est tout ébahi, et qu’on se tait. Et comme cette lettre cy passera par la France c’est encor une nouvelle raison pour ne rien dire. Quand je lis les lettres de Ciceron et que je vois avec quelle liberté il s’explique au milieu des guerres civiles, et sous la domination de César, je conclus qu’on disait plus librement sa pensée du temps des romains que du temps des postes. Cette belle facilité d’écrire d’un bout de l’Europe à l’autre traine apres elle un inconvenient assez triste, c’est qu’on ne reçoit pas un mot de vérité pour son argent. Ce n’est que quand les lettres passent par le territoire de nos bons Suisses qu’on peut ouvrir son cœur. […] je peux au moins vous assurer que vous n’avez ny de plus vieux serviteur, ny de plus tendrement attaché que moy. Peutetre quand vous aurez la bonté de m’écrire par la Suisse me direz vous ce que vous pensez sur bien des choses. Par exemple sur l’Enciclopédie, sur La Fille d’Aristide [comédie de Mme de Graffigny], sur l’Académie française. […] Pourquoy ma retraitte est elle si loin de votre gouvernement quand mon cœur en est si près». Il signe «le Suisse V», puis ajoute un post-scriptum inédit sur la blessure au pied de Tressan. Correspondance (Pléiade), t. V, p. 147. sciences humaines
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