ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

143 contexte de la tradition des manuscrits de Quinte-Curce en traduction française – permet de rajouter un commanditaire supplémentaire à la liste des notables qui se sont procurés un manuscrit enluminé du texte. Un certain nombre de témoins connus de la traduction de Vasque de Lucène sont de facture lilloise : citons Londres, BL, Royal 17 F I; Malibu, J. Paul Getty Museum, Ludwig XV 8. La traduction de Vasque de Lucène fut imprimée pour la première fois circa 1503 à Paris, par Antoine Vérard [Quinte Curse de la vie et gestes d’Alexandre le grant, Paris, Antoine Vérard, après juillet 1503] et aussi par Michel Lenoir, également circa 1503. On distingue a priori deux mains dans ce manuscrit : l’artiste de la majorité des grandes miniatures peintes en grisaille ou semi-grisaille (14 miniatures) avec la participation d’un second artiste (2 miniatures, fol. 13 (frontispice ?) et fol. 86). L’artiste de la majorité des miniatures privilégie des grisailles très noires, avec des arcs dentelées en accolade surmontant les miniatures, des visages creusés et l’emploi de rehauts blancs sur les armures et les drapés et des rehauts dorés pour les éléments de fer ou d’orfèvrerie (couronnes, coupes, épées). Il est à rapprocher du «Maître aux grisailles fleurdelisées» dont la main fut récemment identifiée par I. Hans-Collas et P. Schandel (Hans-Collas et Schandel, 2009, pp. 164-165; Bousmanne et Delcourt, 2011, pp. 372-377). C’est un artiste actif à Lille, proche du Maître de Wavrin et du Maître du Champion des dames avec qui il partage des traits stylistiques, œuvrant pour des bibliophiles lillois, nomme «aux grisailles fleurdelisées» car le motif de fleur-de-lis revient fréquemment dans ses compositions et encadrements. Cet artiste pratique aussi abondamment la semi-grisaille comme dans le présent manuscrit où les touches de couleur viennent rehausser les aplats des nuances grises tirant sur le noir: les dallages des intérieurs, le sang des blessés ou tués dans les scènes de bataille, le feu des incendies et sièges. On notera les couvre-chefs stylisés, hauts de taille et architecturés : Alexandre le Grand est bien identifié au moyen de sa couronne rehaussée d’or et surmontée de fleurons. Parmi les œuvres attribuées au Maître aux grisailles fleurdelisées, on citera tout particulièrement le Recueil des histoires de Troie de Raoul Lefèvre et les Epitaphes d’Hector et Achille de Georges Chastellain (Paris, Arsenal, MS 3692) pour la proximité des figures, notamment les personnages en armure, l’emploi de la semi-grisaille et la similarité des compositions et de la gamme chromatique. Le second artiste qui semble avoir participé à la réalisation de deux miniatures serait le «Maître de la Toison d’Or de Vienne et de Copenhague», artiste nommé à partir de son manuscrit principal, Histoire de la Toison d’or de Guillaume Fillastre dont le manuscrit est dispersé entre Vienne, Copenhague, Dijon et Epinal. Cet artiste est actif à Bruges où il travaille pour des commanditaires tels Charles le Téméraire, Edouard IV, Antoine de Bourgogne, Louis de Grutthuse ou Jean de Croÿ. Plusieurs indices tendent à faire penser qu’il a été actif non seulement à Bruges mais aussi à Lille : il a enluminé des livres écrits par des copistes lillois tels que Jean Du Quesne, il a travaillé pour des commanditaires lillois comme Guillaume de Ternay, prévôt de la ville et certaines de ses réalisations ont été reliées par un relieur lillois, Vincent Gohon. Enfin, le Maître de la Toison d’or de Vienne et de Copenhague a collaboré avec le «Maître aux grisailles fleurdelisées». Les deux artistes – ou leurs ateliers – ont collaboré dans certains manuscrits tels une Chronique de Baudouin d’Avesnes, destinée à Louis de Gruuthuse, plusieurs miniatures du Maître de la Toison d’or de Vienne et de Copenhague en collaboration avec le Maître aux grisailles fleurdelisées (Paris, BnF, fr. 279); ou encore les Chroniques de Pise pour Guillaume de Ternay, prévôt de Lille (Darmstadt, Universitäts- und Landesbibliothek Darmstadt, Ms.133). Nous serions tentés de reconnaître sa participation dans la miniature frontispice (f. 13) et dans celle associée à la rubrique «Comment Alexandre fonda la cité d’Alexandrie en Egipte» (f. 86) mais sans certitude. origine(s)

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