ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

118 les collections aristophil je ne l’entendais pas assez bien, et elle est partie, et elle [est] revenue se mettre sur le bord de mon oreille. Et là je l’entendais très bien. Elle chantait: Bizi, Bizi, Bïnbizi de la bourricoute, Bizi, Bizi, tant pis pour lui, Boucarou de la Boucaroude, tant pis pour toi si tu m’écoutes, Bizi, Bizi, Bïnbizi ! Je suis la très méchante mouche»… Vendredi [avril 1922], séjour à Vence [chez Catherine Pozzi]: belle description de la vue du Baou des Blancs autour de Vence, où il corrige les épreuves de Charmes: « je crois que ce sera très bien. C’est d’un 17me un peu éhonté. Tous ces bois anciens, culs de lampe, etc. et les beaux caractères – cela fait classique»… [Octobre 1922], voyage à Londres pour inaugurer une plaque en l’honneur de Verlaine et faire une causerie sur « Poésie et Langage» chez Lady Colefax: « Qu’est-ce que tu veux ! Il faut vivre !» Et il signe: « Papa Commis voyageur en crachats, salive». [Août 1923], séjour en Auvergne au château de Chazeron, promenade à Châtel-Guyon… « Vous vous moquez de votre Père – ce qui est assez dans votre nature, mais qui n’est point de son goust. Il n’est pas dans l’ordre que votre illustre Auteur vous doive de vous écrire le premier ains c’est à vous mademoiselle ma fille, qu’il appartenait de me rendre vos devoirs. […] souffrez que je vous donne la battue, la fessée majeure, et la pincée jusqu’au noir, vous estimant heureuse que ne vous fasse jeter aux carpes du vivier par mes valets et aultres pourboiromanes»… [1924 ?], visite à l’Aquarium de Monaco: « Affreuses et élégantes murènes, qui sont des serpents à museau pointu, couleur jaune et tachetés, dont la nage est d’une souplesse et d’un dangereux extraordinaires. Leur chair est empoisonnée (dit la notice), leur morsure est envenimée – et cependant on les mange. Il y a des êtres paradoxaux et fols comme les limules qui sont une casserole en émail verdâtre avec la queue, sous laquelle un vague crabe semble collé. La casserole est dix fois trop grande pour le crabe y adjacent. Les mâles se reconnaissent à ceci qu’ils se font tirer la casserole par les femelles. Il y a des araignées très horribles qui grouillent, des soles qui se dégagent du sable auquel elles se confondaient. Un poulpe qui dormait et de gros poissons avec des yeux comme les tiens qui venaient me regarder en face à travers le cristal»… Il envoie deux dessins de poissons à l’encre de Chine. [20 février 1924], conférence à Monaco, et séjour au palais. [Début 1925], séjour à la Polynésie sur la presqu’île de Giens chez la comtesse de Béhague… Une lettre est ornée d’une aquarelle représentant la fenêtre de sa chambre avec vue sur la mer… « À 20 ans j’étais déjà célèbre. À 21 j’étais inconnu. À 25, un type, un bizarre; à 28 un P.C. de 1800frs; à 30, un époux bureaucrate; à 40 un père de famille à patron; à 50, un poète hermétique; – à 54 l’homme du monde et éminent essayiste et académicien, successeur de France, double de Jean Aicard, tout, quoi ! – À 90 ans il entra dans les ordres et fut canonisé par Chocolat VIII en 1987 (environ). Sa momie est conservée au Palais de Monaco à côté du bocal où flotte un gros veau marin cru Lefèvre, selon la légende. Mais de cette momie miraculeuse un doigt de pied est à Cette – Église St Louis. Un tibia à Bastia. Les boyaux à Montpellier au Musée Fabre. Voir les guides et le Michelin. Toute la famille et la descendance sont dispensées de faire maigre le dimanche, et caca les veilles de fête»… En 1927, Agathe se marie (carte de faire-part des fiançailles jointe) et devient Mme Paul ROUART. 1er mai 1927, il fait suivre une lettre de Florence Blumenthal. La Polynésie [juin 1929], visite du yacht le Tenax de Mme de Béhague, « le comble du confortable contenu dans une coque sévère et trapue d’ancien militaire. 11 nœuds seulement. Mais ceci suffisant pour croisières. […] Je peins des nudités. C’est plus facile que les fleurs et pots. D’ailleurs les fleurs m’embêtent. Tout le monde sait ça. J’ai fait un Narcisse (naturellement) avec une grosse lune orangée qui lui éclaire le dos. Il est couleurs de dragée. Très zoli. J’ai fait une Ève au Serpent qui est un amour»… Une lettre est illustrée d’un dessin à la plume du yacht. [3 septembre 1929], à Rome, visite de la Bibliothèque Vaticane. [Novembre 1929], audition d’Amphion chez Ida Rubinstein. [Nice 24.VII.1933], amusante lettre agrémentée de vers de mirliton contant les cérémonies d’ouverture du Centre méditerranéen, signée: « Comte Salloppier de Saint Luc (et autres lieux) Père de recalé, Mangeur d’honneur des Palaces de la côte Fournisseur de S.S.». [Marseille 16.III.1932], tournée de conférences à Avignon, Lyon, Grenoble; visite de l’aéroport de Lyon qui l’impressionne. Florence [23.V.1933], conférence devant la Princesse de Piémont; dîner à sa droite… Nice 1934, installation à l’Hôtel Ruhl, avec dessin à la plume de la vue sur la mer et le Mont Boron. [Août 1935], sur sa petite-fille Martine (née le 2 janvier)… « Mes garçons ne pensent pas assez que j’ai l’âge où ils me devraient supporter. On va sur les 64. C’est un chiffre. Tout le le dit, excepté 1° ces messieurs; 2° mon sentiment que je n’ai encore rien fait»… Munich [7.XI.1936], conférence à Munich, visite de la Pinacothèque… [Marseille 20.V.1938], il fait une cantate [Cantate du Narcisse] avec Germaine Tailleferre. [Genève 18.VII.1939], conférences à la Société des Nations, « dans cette vaste salle de l’immense bâtisse – où il y a ça et là des W.C. admirables, incomparables»… [Mai 1940], inquiétudes sur la guerre: « Cet Hitler commence à me faire mal au thermomètre»… 1942, séjours au château de Montrozier (Aveyron) chez Robert de Billy… 30 juin 1943, photo dédicacée: « à ma petite Agathe son auteur peut-être favori Paul Valéry». Jeudi, lettre écrite par-dessus un dessin de Narcisse, détaillant l’arrivée d’une caisse de victuailles envoyée par la Roumanie. [Avril 1944]. « Impossible de rien faire. C’est le vide mental absolu. Une nouveauté sinistre dans mon histoire. […] D’autre part, le pauvre Faust [Mon Faust] est là. J’ai rouvert son énorme dossier […] cette pièce ne se dégage pas. Elle ne peut se défaire de son vice initial – qui est d’avoir été entrepris sans but déterminé – et d’avoir vécu de réplique en réplique»… D’autres lettres parlent de son travail sur Mon Faust. [1er août 1944], il raconte la lecture de Mon Faust chez Jean Voilier. Dimanche [27 août 1944], sur la libération de Paris: « Tu aurais joui, entr’autres choses, du siège du réservoir, avec reddition des boches, qui sont descendus, les mains à la nuque croisées, sous les huées et les injures, ce qui était de trop, dans l’avenue comblée de chars Leclerc. Les maisons de l’avenue sont criblées, car il y a à présent des gens invisibles qui tirent tout à coup des toits. […]. Alors interviennent les soi-disant défenseurs qui arrosent les façades de jets de mitrailleuse et de mitraillettes»… Récit du défilé de la victoire, auquel il assiste des balcons du Figaro avec son fils François, fusillades… [13 juin 1945], dernière lettre à Agathe, dictée à sa femme avant sa première hémorragie: « Je n’en puis plus de n’exister que par gênes, souffrances, et remèdes plus ou moins désagréables auxquels, d’ailleurs, je ne crois pas»… ON JOINT 14 lettres à son gendre Paul ROUART, la plupart L.A.S. (dont 3 cartes postales, une lettre dactyl., une réparée au scotch, environ 20 p.), 1926-1932 et s.d., dont nous citerons cet extrait d’une lettre écrite de la Polynésie, quand Agathe s’est fait couper les cheveux: « elle s’est fait rogner les tifs ? – Je la déshérite. J’espère du moins qu’elle l’a fait comme j’aime que ce soit fait. Pas de Jeanne d’Arc, mais razibus comme toi et moi. C’est beaucoup plus joli que le genre couvre oreilles. Les femmes sont folles – car d’ici peu nous arriverons à la dame chauve. Tu vois ça ! Des seins et un genou ! Enfin… c’est bien le Crépuscule des Dames ! Damerdammerung !»… On joint aussi 6 photographies représentant Paul Valéry, dont 2 avec la petite Agathe, et une avec ses enfants Claude et Agathe; un dessin de Georges d’ESPAGNAT représentant la petite Agathe lisant (mine de plomb et crayon de couleurs, 12,5 x 14,5 cm, accident); plus une carte postale a.s. de Paul VALÉRY à sa mère Mme Valéry de Grassi; une L.A.S. à sa cousine Pauline Sperati au sujet du baptême d’Agathe, dont elle est la marraine; une L.A.S. à André Gide (1907) lors d’une maladie d’Agathe (lettre un peu passée); et 2 L.A.S. à la bonne Charlotte LECOQ (1918 et 1926). EXPOSITION Paul Valéry, Bibliothèque nationale, 1956 (nos 212, 214, 219, 221, 224, 226).

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