ARISTOPHIL INAUGURALE 20 DECEMBRE 2017

117 nerres, et des gouttes sont entrées, tac tac sur le plancher. Et puis le phonographe de Madame de Salles, qui criait des chansons épouvantables. Alors je me suis caché derrière ton âne, et j’ai vu le Pape de Claude et sa Jeanne d’Arc qui avaient peur aussi. Ils sont montés sur le bateau et puis sur la grue électrique»… [1911], racontant un séjour à la mer: « Si tu voyais les choses de la plage, les vagues, le sable, les pelles, les filets, et toutes les petites bêtes qu’on trouve, les coquillettes, les tout petits poissons, les tout petits crabes qui courent et les herbes de la mer […] Quand on se baigne, on va se déshabiller dans une petite maison de bois et puis on descend vers l’eau. On voit des messieurs et des dames qui sont très drôles. Il y a des messieurs très gros qui ont des jambes comme des marronniers et des bras comme des jambons. Ils sont noués à la taille par des beaux rubans rouges, et quand ils entrent dans la mer, ils font grand bruit et grande écume. Les dames mettent de petits bonnets en caoutchouc où elles enferment tous leurs cheveux. Il y en a qui crient en entrant dans l’eau, et alors les gros messieurs les attrapent et les trempent comme des mouillettes dans un œuf»… [21 juillet 1912]. « Mon vieux petit Croûton, Je voudrais bien te voir avec Solange dans les bocages du Mesnil. Mais une grosse mouche toute poilue qui est venue par ma fenêtre m’a dit, en faisant ron-ron, que parfois on se giffle avec la petite amie. Cela est moins gentil, quoique parfois nécessaire. Je t’embrasse bien et je te pince très fort. Embrasse pour moi Tourde-Langue et Mal-Assis, et puis aussi Solangine. Ton père De Claques». Une autre (1913), dactylographiée, et signée « Ibichisupipi», donne à Agathe des nouvelles de son ours Badou. [Été 1916], nouvelles de la famille, notamment des frères Claude et François (né le 17 juillet): « Ici on a bien chaud. Badou grille et sent le rôti. Nonne [Mme Valéry mère] a chaud. Moune [Jeannie Valéry] a chaud, et chaud j’ai. Quant à Petit Rousseau, il dort généralement. Mais depuis ses 15 jours c’est une grande personne qui commence à regarder son Père. Son Père lui a donné déjà au moins mille noms, et quelques secs, durs, verts. Puis il a eu ses notes de quinzaine. 9 sur 10 de tétise (tétise des commençants bien entendu; il ne pourrait pas composer avec Claude, soyez donc raisonnable, madame). Il a eu un 3 d’intelligence, un 5 de risette. Il a été dernier en bain la première fois, et premier la seconde fois. Il n’a rien dit dans l’eau et y semblait heureux. Il fait ses traductions de lolo en crocrotte, assez bellement. Il n’aura pas le Tableau d’Horreur»… [12 avril 1918]: « Je te remercie de tes lettres et de tes peinturlures. Le paysage n’est pas encore ton fort. D’ailleurs, c’est un art secondaire. La figure, la composition avant tout, et le style avant la nature, voilà l’Évangile. La couleur est un agrément du diable»… [Été 1918], récit du voyage avec Édouard Lebey pour le château de l’Isle-Manière près d’Avranches; description de sa chambre dite du « petit pêcheur»; dessin commenté de son majestueux pot de chambre… – Inquiétudes sur la fin de la guerre: « Je ne vois pas quand finiront ces convulsions ni comment. Personne n’en sait rien. Dieu a donné sa langue aux chats et le diable, nouveau riche, n’est pas pressé d’en finir. On dit que Clémenceau va se marier avec Jeanne d’Arc. Mais ils attendent que les draps de lit et les serviettes soient moins chers. On dit que Napoléon a fait une scène à Haig. On dit aussi que Judas est élu président du Soviet, à l’unanimité. Mais tout cela, ce sont des bruits et des rumeurs. Ce qu’il y a de certain c’est que le Pape vient de s’engager dans la Légion étrangère. Les enfants de Marie lui font un masque tout doré contre les gaz»… Vendredi [1918]. Il lit Calderon, qui vaut Shakespeare… « Il est vrai que pour toi tous ces inconnus sont égaux. Je t’engage à travailler. Tu n’es pas sans en avoir besoin. N’attends pas que le besoin se fasse sentir. Tu fais des fautes qui commencent à être assez ridicules. […] Renonçons à ces petites ordures grammaticales. […] Soyez chics, très bien, mais de toutes parts. Il y en a qui ont les pieds propres et les idées vaseuses. Je préfère l’inverse»… [1919 ?] « Sais-tu que j’ai refusé de dîner ce soir dans l’intimité avec la reine de Roumanie ! Je refuse de dîner avec des Majestés ! La délicieuse et intelligentissime Princesse Stouzo m’a écrit hier soir pour ce dîner “intime !” au Ritz. Mais j’attends 2 raseurs ce soir, et de plus je n’ai pas de boutons royaux de plastron»… Suit une lettre fantaisiste au cher Boucarou: « Il y avait une fois une mouche sur le bout de mon nez. Et elle chantait une petite chanson toute petite, avec des petites paroles et un petit air. Alors littérature

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