49 48 Lettres & Manuscrits autographes • 15 mai 2024 241 VOLTAIRE (1694 - 1778). L.A.S. « V », Potsdam 3 octobre 1752, à Marc-Pierre de Voyer comte d’ARGENSON ; 3 pages in-4. Belle lettre accompagnant la remise du manuscrit de l’Histoire de la guerre de 1741. [Ce manuscrit, intitulé Histoire de la guerre dernière, est conservé à la bibliothèque de l’Arsenal (Ms-4773). Le texte fut publié, d’après une autre copie, en 1755, sans l’assentiment de Voltaire, qui ne voulait pas le voir publié de son vivant.] « Monsieur Le Baillif, mon camarade chez le roy et non chez le roy de Prusse, vous remettra monseigneur le tribut que je vous dois. L’histoire de la dernière guerre vous apartient. La plus grande partie a eté faitte dans vos bureaux et par vos ordres. C’est votre bien que je vous rends. Jy ai ajouté des lettres du roy de Prusse du cardinal de Fleuri qui peutetre vous sont inconnues et qui pouront vous faire plaisir. Vous vous doutez bien que j’ay eté dailleurs a portée d’apprendre des singularitez. Jen ay fait usage avec la sobrieté convenable, et la fidélité d’un historien qui nest plus historiografe. Si vous avez des moments de loisir, vous pourez vous faire lire quelques morceaux de cet ouvrage. J’ay mis en marge les titres des evenements principaux afin que vous puissiez choisir. Vous honorerez ce manuscrit d’une place dans votre biblioteque, et je me flatte que vous le regarderez comme un monument de votre gloire et de celle de la nation en attendant que le temps qui doit laisser meurir touttes les veritez permette de publier un jour celles que je vous présente aujourduy. Qui eut dit, dans le temps que nous etions ensemble dans l’allée noire, qu’un jour je serois votre historien et que je le serais de si loin ! Je scai bien que dans le poste ou vous etes votre ancienne amitié ne pourait gueres se montrer dans la foule de vos occupations, et de vos dépendants ; que vous auriez bien peu de moments à me donner ; mais je regrette ces moments et je vous jure que vous m’avez causé plus de remords que personne. Ce n’est peutetre pas un hommage a dédaigner que ces remords d’un homme qui vit en philosofe auprès d’un tres grand roy, qui est comblé de biens et d’honneurs aux quels il n’aurait osé pretendre, et dont l’ame jouit d’une liberté sans bornes. Mais on aime malgré qu’on en ait une patrie telle que la notre, et un homme tel que vous. Je me flatte que vous avez soin de votre santé porro unum est necessarium. Vous avez besoin de regime. Vous devez aimer la vie. Soyez bien persuadé qu’il y a dans le chatau de Potsdam un malade heureux qui fait des vœux continuels pour votre conservation. Ce n’est pas qu’on prie Dieu ici pour vous. Mais le plus ancien de tous vos serviteurs s’interesse a vous, a votre gloire a votre bonheur, a votre santé avec la plus respectueuse et la plus vive tendresse. » Correspondance (Pléiade), t. III, n° 3318. 3 000 - 4 000 € 242 ZOLA Émile (1840 - 1902). RECUEIL de lettres, pièces et notes autographes, dont plusieurs signées, et quelques documents d’une autre main, [Notes sur François Zola], 1868-1899 ; 85 pages autographes de formats divers, et 17 pages non autographes, le tout monté sur onglets et relié en un volume petit in-4 demi-maroquin violet (H. Jacquet-Riffieux). Très bel ensemble de documents sur François Zola, ingénieur mort en 1847, dont Zola tiendra à réhabiliter la mémoire. François ZOLA (Venise 1795-Marseille 1847) s’était engagé dans la Légion étrangère en 1830, mais avait dû en démissionner en 1832, ayant été mêlé à une affaire de détournement de fonds, qui se solda par un non-lieu. Devenu ingénieur civil à Marseille, il conçut plusieurs projets d’envergure, dont celui de barrages et d’un canal d’adduction d’eau pour la ville d’Aix-en-Provence, où il s’établit avec sa famille en 1843. Il mourut brusquement, laissant sa famille couverte de dettes. Son fils écrira : « Mon père passe comme une ombre dans les souvenirs de ma petite enfance »… Pendant l’Affaire Dreyfus, Zola prendra la défense de son père, dont la mémoire avait été calomniée. A. À propos d’une campagne à Aix-en-Provence, 1868. 5 brouillons de lettres autographes ; et 4 lettres adressées à Zola. (Nous suivons ici l’ordre chronologique des lettres, et non celui de la reliure.) [3 août], à REMONDET-AUBIN, directeur du Mémorial d’Aix (4 p. in-4). Zola proteste contre le refus du Mémorial d’insérer sa réponse à un entrefilet dirigé contre lui-même. « En effet, j’ai subi chez vous une barbarie : j’y ai vu mon père mourir à l’œuvre et y être ensuite lapidé jusque dans sa mémoire »… Il blâme vigoureusement le rédacteur, puis adopte un ton ironique pour reconnaître que Le Mémorial « n’a pas encore essayé d’effacer mon nom de la couverture de mes livres, comme il l’a souvent effacé en parlant du canal Zola »… [3 août], à Léopold ARNAUD, directeur du Messager de Provence (1 p.). Il le prie d’insérer le texte de sa lettre au Mémorial, où on l’a attaqué « avec grossièreté ». [12 août], à REMONDET-AUBIN (8 p.). Il relève dans le Mémorial une phrase injurieuse : « “M. Zola fils abuse un peu trop de M. Zola père.” Comment ! vous avez déjà assez de mes réclamations ! Mais je commence à peine. Vous n’avez donc compris que si j’ai gardé le silence pendant de longues années, c’est que j’attendais d’être fort ; je lutte depuis dix ans, j’ai grandi dans le travail et le courage, j’ai conquis ma position en me battant chaque jour contre la misère et le désespoir. Et vous voudriez aujourd’hui m’imposer silence […] Ah ! vous dites que j’abuse du nom de mon père, le jour où pour la première fois je vous reproche sévèrement votre oubli. Vous manquez de tact, vous manquez de cœur »… [14 septembre], au Maire et aux membres du Conseil municipal de la ville d’Aix. « Mon père, M. François Zola, a doté d’un canal la ville que vous représentez. Je ne vous rappellerai pas ses longues démarches auprès du gouvernement, les luttes qu’il eut à soutenir dès le début, les succès qu’il avait obtenus lorsque la mort vint le saisir, au moment où il allait réaliser son projet déclaré d’utilité publique »… Pour que le créateur du canal qui alimente Aix en eau ne soit pas oublié, son fils demande quelque hommage à sa mémoire… [Après le 19 décembre], au Maire et aux membres du Conseil municipal de la ville d’Aix. Il a reçu copie de leurs délibérations et du décret par lequel ils ont donné au boulevard du Chemin Neuf le nom de François Zola. « Je savais que je ne rappellerais pas les travaux de mon père, sans que votre générosité ne s’émût des retards mis à récompenser la mémoire d’un homme qui s’est dévoué aux intérêts des citoyens que vous représentez. […] Veuillez croire à ma reconnaissance profonde. Si je ne suis pas un fils de votre ville, j’ai grandi à Aix et je me considère un peu comme son enfant d’adoption. Aujourd’hui, un nouveau lien m’attache fortement à elle »… Lettres adressées à Zola sur le même sujet par REMONDET-AUBIN (31 juillet 1868), L. MARGUERY (Aix, 1er août 1868 et Dimanche), et Pascal ROUX, maire d’Aix (6 novembre 1868, annonçant la décision du Conseil municipal de nommer le Boulevard Zola). B. Lettres au général de Galliffet et à M. Waldeck-Rousseau, décembre 1899. MANUSCRIT en partie autographe et signé (18 p. in-4, dont 10 de la main de Madame Zola, qui a recopié les deux lettres à Galliffet, au bas desquelles Zola a apposé sa signature, ainsi que la réponse du ministre). Cet échange de lettres entre Zola et le ministre de la Guerre le général de GALLIFFET et le ministre de l’Intérieur WALDECKROUSSEAU, a été publié dans L’Aurore du 19 décembre 1899 (le manuscrit a été découpé pour l’impression et remonté). 9 décembre, au général de GALLIFFET. « Un rédacteur du Petit Journal, M. Ernest Judet, au moment où je devais comparaître devant le jury de Versailles, a publié deux articles diffamatoires contre la mémoire de mon père, dans lesquels il a cité de prétendues lettres du colonel Combe, où mon père, lieutenant à la Légion étrangère, et se trouvant en Algérie (1832), était violemment accusé d’avoir détourné une somme, faisant partie de la caisse du régiment »... Le 3 août 1898, Zola a dénoncé Judet pour faux et usage de faux ; depuis, une ordonnance de non-lieu a provoqué une plainte de Judet contre Zola, pour dénonciation calomnieuse. L’écrivain, s’estimant victime d’une lâcheté politique, demande à voir le dossier de son père : « Il serait vraiment monstrueux qu’on l’ait ouvert pour un adversaire sans scrupule, et qu’on le referme pour moi, qu’on en refuse la communication au fils de l’homme […] dont on a violé la sépulture »… 14 décembre, Galliffet répond que toute communication de dossier est interdite. 16 décembre. Galliffet informe Zola, après enquête, que la seconde des lettres de Combe existe bien dans le dossier, et que ce dossier avait été remis à un officier du ministère en 1897, décédé depuis… 16 décembre. Zola soumet à WALDECK-ROUSSEAU sa correspondance avec le ministre de la Guerre. « Nous sommes ici dans l’exception, et dans une exception cruelle, où j’espère avoir pour moi tous les honnêtes gens. Sans doute, je ne demanderais pas à connaître un dossier secret […]. Mais je demande à connaître le dossier de mon père, qu’un crime prévu par la loi a rendu public »… Il le prie de porter cette question devant le Conseil des Ministres qu’il préside, et fait remarquer que l’officier que le général ne nomme pas n’est autre que « le colonel Henry »… C. L’enquête sur François Zola après les attaques d’Ernest Judet, 1899-1900. Brouillon de lettre autographe et signé, et notes autographes. Paris 4 janvier 1900, au général de GALLIFFET, Ministre de la Guerre (12 p. in-4). Zola, accompagné de Me LABORI et de M. Jacques Dhur, a pris connaissance du dossier de son père et s’est entretenu avec les archivistes de la Guerre. L’absence quasi totale de traces écrites, et les souvenirs de l’un des archivistes de l’aspect qu’avait alors le dossier confidentiel, amènent Zola à soupçonner des vols de documents. Il prie le ministre d’ordonner de nouvelles recherches, en particulier pour savoir s’il existe des traces judiciaires de l’affaire dont on accuse son père. « Si mon père a été emprisonné, il a subi certainement un interrogatoire. S’il a fait des aveux, où sont-ils ? Il a dû expliquer sa conduite, où est donc sa défense ? »… Il demande en outre à retrouver un projet de fortifications de son père (1831-1840), et à permettre une expertise contradictoire de pièces dans le dossier de son père. « La lettre Combe, particulièrement, est pleine de telles irrégularités, de telles violations des règlements militaires en vigueur en 1832, de tels anachronismes et de tels enfantillages, qu’il me semble impossible qu’elle soit authentique »… Il commente son aspect matériel, fort suspect, et propose, en outre, une analyse chimique de l’encre, « pour bien fixer la date »… NOTES autographes, à l’encre ou au crayon (24 p. in-4, et 30 p. in-12). Liste et résumé du contenu de lettres et mémoires de son père concernant des travaux à Marseille (agrandissement du port, projet de dock et de canal maritime), et à Aix-en-Provence (Canal Zola). Notes sur Galliffet et le Canal Zola, sous la monarchie de Juillet (Galliffet avait alors soutenu le projet). Copies de lettres de François Zola à Thiers et à Louis-Philippe, et d’un rapport au sujet des projets de fortifications. Notes sur des machines à terrasser et à transporter des terres. Références bibliographiques aux publications de son père. Notes au crayon, probablement prises sur le vif, sur le dossier administratif de son père, l’aspect de la lettre Combe, et les pistes à suivre. Notes sur les services militaires du colonel Combe, mort au siège de Constantine. Chronologie d’articles de presse, procès et démarches pour défendre la mémoire de son père, etc. 3 000 - 4 000 € EXPOSITION Zola, Bibliothèque nationale de France, 2002, n° 5. PROVENANCE Collection ÉMILE-ZOLA (vente Artcurial 23 mai 2005, lot A). 241 242
RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==