35 34 Lettres & Manuscrits autographes • 15 mai 2024 Ton rôle est merveilleux ». Il attend Christian Bérard qui était malade à Marseille. Il ne pense qu’à « la joie de travailler ensemble ». (Au dos, lettre de Paul ?)… – Belle lettre dans laquelle Cocteau donne à Marais la liberté de vivre sa vie comme il le souhaite (cette lettre a eu une grande importance pour l’acteur, qui la cite dans son autobiographie). « Mon Jeannot. Je dois t’expliquer mon point de vue. J’estime qu’il faut être un héros, toujours – même en ce qui concerne les moindres choses. Ton bonheur doit passer avant le mien, puisque ton bonheur fait mon bonheur. J’arrive très bien à tuer en moi des révoltes ridicules et des sentiments égoïstes. Je te jure que cet essai de me mâter est une victoire, et que la joie de voir ton visage éclairé l’emporte de beaucoup sur une mauvaise tristesse instinctive. Donc sois libre et sache que tu me rends heureux en étant heureux. Ce qui me peinerait c’est de te sentir t’éloigner par délicatesse. Je te répète que c’est inutile et que j’adore ta présence sous toutes ses formes. Ne te gêne jamais d’aucun scrupule. Prouve moi ton cœur en jouant Renaud comme seul tu en es capable. Cette collaboration me consolera du reste et nous portera très loin des petites hontes »… [1944-1945]. Jeudi. Il répète à l’Opéra-Comique, et va faire « une tête en laiton pour la Cinémathèque. Tu vois je tiens le coup et je ne me laisse pas aller dans ma chambre. Le difficile est de me mettre à un travail d’écriture, à un travail grave. Même ma pauvre main est trop nerveuse pour former les lettres. […] Mais j’y arriverai. La revue de Thierry Maulnier va publier Léone »… Il a cherché partout les « chansons parlées dont il n’a retrouvé qu’une feuille. Le reste est peut-être chez sa mère « dans ton cher petit désordre ». La nouvelle de la mort de son camarade l’a profondément choqué : « ce cauchemar est atroce. Mais nous nous réveillerons un matin et je verrai ton cher visage autrement que par les forces magiques de l’âme »… – « Les textes sont introuvables ». Par chance Hubert lui a sorti un carnet de sa bibliothèque : « Je te l’envoie – manquent les textes en prose. Je vais essayer de t’en écrire un neuf »… (Au dos, lettre par quatre amis)… – 19 février 1945. Il a demandé qu’on organise « une séance de L’Éternel Retour pour les permissionnaires de la 2e D.B. actuellement à Paris », et va tout tenter pour que Marais soit présent ; une amie va intercéder auprès de Leclerc. Bérard « a fait des merveilles pour notre pièce. Il a retrouvé toute sa grande forme […] On m’offre beaucoup de travail mais je refuse tout ce qui n’est pas poésie, théâtre, films. Je ne veux plus écrire d’articles. Le ton de la presse me semble intolérable et je refuse d’y mêler mon nom. Le rideau est fermé. Il ne reste que cet admirable éclairage sur vous, sur toi, sur cette terrible aventure du front. Je te quitte, je ne nous quitte jamais »… 25 février 1946 [sur La Belle et la Bête] Il aimerait retrouver Jeannot à la campagne. Il ne reçoit « que des compliments et de l’enthousiasme en ce qui te concerne. Pense bien à ton rôle de la Bête, en trouvant des choses en synchro – tu peux en doubler l’effet »… – Lundi. Il a été victime d’une grosse crise de sciatique. « La dernière image du film – celle où vous volez dans les nuages – est étonnante ». Il est allé au Gymnase : « les recettes sont toujours énormes. Sans l’impôt nous serions riches »… 1949, au sujet d’Orphée. Nouvelles de Milly, avec Bébé et les Auric. « Je souhaite que le film Orphée déplaise à Decharme et à Marie Montès et que ce film me reste pour que nous le tournions ensemble. Dans ce genre de manœuvres ma force d’inertie est extrême »… 1 000 - 1 500 € 207 COCTEAU Jean (1889 - 1963). L.A.S. « Jean Cocteau », Santo-Sospir 11 septembre 1957, à Jacques LEPAGE ; 2 pages in-8 à en-tête “Santo-Sospir, St Jean Cap-Ferrat. « Hélas je n’ai aucun poème inédit – mais tous le sont – car vous le savez, peu de personnes sont capables de reconnaitre un poème ». Accablé de travail, il ne peut promettre d’écrire les phrases demandées : « Ne pourriez-vous tricher et les prendre soit dans la Difficulté d’être soit dans le Journal d’un inconnu, soit dans le livre franco-allemand “Démarche d’un poète” », pour lequel il peut s’adresser de sa part à Raoul Leven… 150 - 200 € 206 COCTEAU Jean (1889 - 1963). 10 L.A.S. « Jean » (une signée d’une étoile), 1940-1946 et s.d., à Jean MARAIS ; 14 pages in-4 (défauts, mouillures à quelques lettres, une avec déchirures sur un bord), 2 lettres portent le cachet de la Commission de censure. Correspondance amoureuse, évoquant ses pièces et ses films. Juin 1940. « Mon enfant chéri. Sans nouvelles de toi, j’essaye de vivre avec ton image et la certitude que ton étoile et mon étoile te protègent. Si par une chance incroyable cette lettre t’arrive, écoute : à la moindre égratignure, à la moindre foulure – fais-toi évacuer sur Perpignan »,... 25 janvier 1943. Décès de sa mère : « Voilà qui est fait. Le cimetière était la seule chose atroce – on nous jette dans un véritable urinoir de la place Clichy. Mais cela compte peu. Maman circule enfin librement et ne me quitte plus. Elle était à l’Opéra – où la répétition était très belle et très noble » [pour Antigone d’Honegger]… Chaque jour il travaille sur le film qui deviendra L’Éternel Retour, « qui change beaucoup et prend de la force. Le titre ne sera pas Tristan ». Il ne parvient pas à trouver l’interprète du roi Marc, ce qui le tracasse beaucoup : « il faudrait un Marc que ta carrure n’écrase pas » ; il a changé le rôle d’Yvonne [de Bray] : « Elle a trouvé tout de suite ce qu’il fallait : l’amour de cette femme pour ce nain. Cela donne de la grandeur. [Madeleine] Sologne était superbe, hier. Je la coiffe avec des cheveux plats qui tombent […]. Elle a l’air d’une statue de cathédrale, d’un drôle d’oiseau, d’une noyée fantôme ». Il s’inquiète pour les dates, car le film commence le 15 et Marais aura des essayages… – 1er février. « Comme je suis triste de ne t’avoir pas eu à la rep. générale d’Antigone. J’ai fait le spectacle en pensant à toi et en te le dédiant. […] Maintenant je travaille à notre film et je commence à répéter à la C.F. » [Renaud et Armide, à la Comédie Française]. Le tournage commencera en mars à Nice, et il espère que Marais reviendra vite « après les raccords de Carmen pour travailler un peu avec Madeleine, essayer, etc. […] Je crois que le film devient très beau et très implacable. 208 COLETTE (1873 - 1954). 15 L.A.S., 1920-1923 et s.d., à Léopold Marchand ; env. 32 pages in-4 sur papier bleu, la plupart à en-tête de Castel-Novel, 11 enveloppes (défauts à la 1ère). Belle correspondance amicale à l’acteur et dramaturge, compagnon fidèle. [Septembre 1920], sur sa nomination de chevalier de la Légion d’Honneur :« Mon enfant Léo, que vous êtes gentil. Sans votre initiative, je ne l’aurais pas, ce bout de ruban. […] C’est un peu singulier, et extrêmement agréable »… Les enfants lui ont fait des blagues : « J’ai trouvé deux cravates rouges à mon couvert, la carafe ceinte de pourpre, ma chaise à table liée de cramoisi, et cent petits nœuds à la queue des raisins. C’est très gentil. […] Il fait septembre, dans toute la beauté du mot. Cet air immobile et chauffé, qu’un seul souffle refroidit, et tant de guêpes et de chats-huants, et tant de roses, c’est un moment de l’année qu’on voudrait manger, boire et étreindre. Car il n’y a rien de tel que d’être une nature grossière ! »… 1921.[28.IV]. C’est le printemps en Corrèze : « Tout est trop beau, je suis raide-saoule. Et puis j’ai le bras tremblant d’avoir mené le tracteur […]. Les rossignols ne savent pas encore leur cavatine, et Dieu sait, les petits salops, s’ils la répètent ! Ma fille est une sorte bien agréable de paysan progressiste. Elle parle anatomie, système circulatoire, pistil et étamine et oxyde de carbone. Tel que je te cause. Elle sait les noms des quatre petits os de l’oreille, et il était fichtre temps, car je les avais oubliés »… – « Tu n’as pas vu Castel-Novel au printemps, petit malheureux ! les murs pétillent de lézards et sont blonds d’abeilles. Et l’odeur des lilas le matin… Le Pati-Pati est heureusement mué en chien de troupeaux. En outre, elle a découvert qu’on pouvait se baigner sans que ce fût un châtiment hygiénique. Elle saute à plat dans l’eau, écartée comme une grenouille, et sort de là en riant jusqu’aux oreilles, pour y replonger après » Elle termine l’adaptation de Chéri pour le théâtre… – [30 avril]. Elle n’a pas peur du 3e tour au Vaudeville : « J’ai un pressentiment. L’Athénée ? Peuh […] si on ne peut pas ailleurs ». Elle compte sur un effet de lecture. « je mets mille choses dans le 3e acte ! Moui, mon enfant chéri, tu m’as envoyé du muguet, suffisamment pour conjurer le sort. J’ai raté une belle petite couleuvre hier, couleur d’ardoise poudrée »… – [14 septembre]. « J’ai amené ici une grippe magnifique, qui me guérit présentement, et pour le reste je me laisse vivre, en m’enfournant de l’ail par tous les pores ». Elle lui demande de lui rapporter « les livrescatalogues parce que je prévois une famine inévitable et faudra que je lézarde »… –[1er octobre]. Elle s’est promenée en voiture avec Sidi [son mari Henri de Jouvenel] en Haute-Corrèze : « C’est magnifique ! Qu’est-ce qu’on va donc voir en Suisse qui soit aussi beau ? Je n’avais aucune idée de cette Corrèze-là ! […] M… pour les femmes de lettres ! » … – [28 décembre]. « Dieu m’est témoin que je voulais maigrir. Mais j’ai eu tort de le prendre à témoin. Il est au courant, et me fait des blagues : la pluie, par ses soins, ne cesse pas. Je bois pour me consoler, je mange pour oublier, je dors par défi et le reste du temps ma fille récite des fables de La Fontaine »… Bertrand [de Jouvenel] écrit une pièce de théâtre… Elle attend la venue des Marchand : « on travaillera, parmi le vin chaud et les cris de jument à vessie nerveuse »… [2 janvier 1922]. « Le Cap d’Ail, hiiii ! J’en suis bien capable, et avec quel plaisir ! On va parler de tout ça, je reviens mercredi. En versant une sueur de sang, je viens de faire une nouvelle […]. Ne me parle pas du Disparu, agréablement tronqué au début, puis ponctué étrangement d’astérisques, et moteux »… 1923. [19 octobre]. « Je vois que la fièvre du travail te dévore les rognons – viens ». Elle le conjure d’apporter des tue-mouches, car il fait « une canicule délicieuse. Les mouches croient que c’est le mois de juillet et s’en donnent ». Il l’aidera à rédiger sa conférence, et il doit travailler à la pièce… – [1er novembre]. Elle est triste qu’il ne vienne pas, mais comprend : « le boulot avant tout hélas. Si tu crois que ça m’amuse cette conférence. Ayant préparé “la vie à deux” pendant dix jours, je vois bien qu’il me faut l’abandonner, sous peine de raser le public ou de l’effarer. Je t’assure, parler en province ça équivaut à faire un cours pour des Demoiselles. 206 207
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