AGUTTES NEUILLY. LETTRES & MANUSCRITS AUTOGRAPHES – LIVRES ANCIENS et MODERNES

31 30 Lettres & Manuscrits autographes • 15 mai 2024 196 BLOY Léon (1846 - 1917). L.A.S. « Léon Bloy », Paris 28 février 1888, à Maurice de FLEURY ; 2 pages in-8. Lettre pathétique du Mendiant ingrat, superbement calligraphiée. Il a eu son adresse par HUYSMANS. Son âme est « triste & lasse usque ad mortem », mais il se réjouit et priera pour Maurice et sa fiancée… « J’ai connu un temps, déjà lointain, de bras en croix & de larmes saintes & de vie pure, où j’aurais eu plus de confiance en parlant à Dieu. Je vivais alors dans un perpétuel ouragan de Joie & le monde n’apparaissait autour de moi, dans le brouillard, que comme un perpétuel argument de sanglots et d’obsécrations. J’avais à mon côté, pour m’envelopper & m’enclore dans les ivresses de l’Eucharistie, un être inouï dont j’ai profané le souvenir en essayant de le peindre avec les pigments terreux de la littérature [allusion à La Femme pauvre]. Je n’étais pas, comme maintenant, crevé de chagrins effroyables, harcelé, traqué, acculé à la plus fragile cloison de mon libre arbitre par les aboyants désirs d’une Justice dont le besoin enragé finira par tourner chez moi en folie. J’étais pauvre, – Dieu le sait ! – encore plus qu’aujourd’hui, indigent à rebuter le fumier de Job, à décourager sa vermine, j’assumais la pénurie des espaces. Mais je n’en souffrais pas dans mon âme, ayant à peine le soupçon des réalités sensibles & ne comprenant pas encore l’effrayant Décret symbolique de la répartition des biens terrestres, en vertu duquel les désignés intendants de la Compassion divine s’en vont, toujours, les mains vides & le cœur amer, sous d’inexplicables cieux. Je ne suis donc plus rien de ce que j’étais, il y a des années, lorsque, dans ma prière, je présumais avec l’audace des simples, la complicité formidable d’une armée d’élus. […] je ne suis pas de ceux qui croient à la vanité de souffrir, surtout quand on souffre pour de grandes choses & qu’on souffre exorbitamment ! »… 400 - 500 € 197 CHATEAUBRIAND François-René de (1768 - 1848). 4 L.A. (une signée d’un paraphe), [1808-1809 ?], à la duchesse de DURAS ; demi-page in-4, 1 page in-4 et 2 pages in-8 avec adresses. Vendredi 1er. « Votre présentation n’aura lieu que demain samedi à 4 heures : je vous en dirai la raison aujourd’hui à deux heures, si vous êtes chez vous »… Ce dimanche. « Je suis malade, chère sœur, et je ne pourrai sortir aujourd’hui. Demain, si Dieu le veut, je vous verrai à l’heure ordinaire. J’ai un violent mal de tête et des vomissements. C’est une migraine occasionnée par le froid. Cela ne sera rien. Je ne regrette qu’un jour perdu ». « Mde de Ch[ateaubriand] me dit de vous répondre : Si je meurs, madame, ce sera à vos pieds ce matin. Non pas à midi, mais à trois heures et demie. Je me porte à merveille, chère sœur. Ces vomissements m’ont fait beaucoup de bien ; que vous êtes aimable ! Que je suis faché que cela ne soit pas vous, mais Mde de Lévis, qui m’ait vû perdre ma longue barbe et mon mouchoir turc. Ne venez pas vous ne seriez pas reçue. Mde de Ch. est inexorable ». Ce mercredi. « À demain matin, Madame. Je vous remercie mille fois de vouloir bien me dédommager si vite du plaisir que je perds ce soir »… 1 000 - 1 200 € 198 CHATEAUBRIAND François-René de (1768 - 1848). 2 L.A.S. « Chateaubriand », Paris 1827, [à Augustin VARCOLLIER] ; 4 pages et quart in-4. 14 mars 1827. Il lui envoie un billet pour M. de CHABROL, pour l’inviter à se trouver au conseil de l’Infirmerie Marie-Thérèse qui aura lieu mercredi prochain. Il a obtenu du Préfet de Police la permission de placer des palissades le long du mur extérieur. « Maintenant il me faut une permission de M. de Préfet de Paris pour planter dans l’enceinte de ces palissades. Je vais faire comme si je l’avais déjà, car le temps de planter est venu. Je ne doute point de la continuation des obligeantes de M. le Préfet. Il y a encore, pour achever les travaux de la Ville sur mon petit boulevart, à donner deux couches de peinture aux barrières. Je me recommande à Monsieur de Fresnes [secrétaire général de la Préfecture] pour l’achèvement de ce grand ouvrage »… 2 juin 1827. Il le prie de remettre une lettre à M. de Chabrol ou à M. de Fresne, à qui il doit aussi une visite. « Mais enfin voilà la session finie, et je payerai toutes mes dettes »… On joint une L.A.S. au comte de CHABROL, 4 janvier 1827 (forte mouillure, mauvais état). 500 - 600 € 199 [CHATEAUBRIAND François-René de]. DURAS Claire de Kersaint, duchesse de (1777 - 1828). 19 lettres autographes, Saint-Cloud et Paris janvier-avril [1821], à François de CHATEAUBRIAND ; 90 pages in-8 (légères mouillures à qqs lettres). Importante correspondance à son « frère » Chateaubriand, ambassadeur à Berlin, pleine de conseils de conduite pour le « vieux diplomate », de nouvelles des Chambres et de ses propres démarches pour que son ami se rende au Congrès de Leybach, retrouve son ministère d’État, etc. On y lit des plaisanteries et des brouilles amicales, parmi de fréquentes mentions de Pasquier, ministre des Affaires étrangères ; Rayneval, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères ; Corbière, ministre sans portefeuille ; et Villèle, ministre et secrétaire d’État, membre du Conseil. 4 et 5 janvier. La nomination de Saint-Lary comme questeur a « fait un grand émoi dans le parti royaliste, Villèle et Corbière se sont plaints, et le Roi leur a dit qu’il avoit eu des raisons particulières […]. On dit que cette raison est la demande que fit ce M. de St Lary a la chambre en 1815 pour le payement des dettes du Roi »… Elle prie d’assurer le Grand Duc Nicolas de son attachement… 11-12 janvier. Pour obtenir que Chateaubriand soit admis au Congrès de Laybach, elle a écrit à Rayneval : « il est plus important que personne aux affaires étrangeres, et pendant les chambres, il est le vrai ministre. M. Pasquier entre la chambre son rhumatisme et le Conseil en a plus qu’il n’en peut porter. C’est pour Laybach que Villèle et Corbière vont se montrer, car ce sera une chose decidée en Conseil tres probablement »… Elle raconte avec indignation l’évasion du capitaine Nanty, « le Quiroga de la conspiration », et de deux autres ; « le plus gravement compromis est M. d’Argenson »… 18-19 janvier. Humboldt est d’avis que le Roi de Prusse ne s’opposera pas à ce que Chateaubriand le suive à Laybach : les Empereurs de Russie et d’Autriche se sont laissés suivre par MM. de La Ferronays et de Caraman… Elle s’interroge sur l’application des principes antirévolutionnaires et antilibéraux du Congrès : « On dit que tout se terminera ici pour Naples sans combat et sans violence. Moncenigo a écrit qu’on cèderoit quelque chose des deux côtés, et qu’on feroit un accord, mais souffrirat-on les garnisons ? Et sans cela comment marchera la plus belle constitution du monde »… Il faudrait une armée fidèle sur laquelle le Roi de Naples puisse s’appuyer, « dans ce volcan de révolution où l’on bégaie l’alphabet de 93, et où l’on en est à faire un bataillon thermopylien par souscription »… Aujourd’hui, « l’accord de la libéralité et de la monarchie » est la seule doctrine soutenable ; on se rallie à ceux qui combattent l’anarchie et les révolutions : « ce fut tout le secret de Bonaparte »… 28 janvier. Nouvelle explosion hier aux Tuileries : « Madame n’a pas eu peur du tout. On la dit grosse, voila ce qui pousse les Jacobins au désespoir et les fait entreprendre ces horreurs. […] On n’a point arrêté le nouveau Louvel »… La Chambre des Pairs, où « il y a 50 ou 60 défenseurs des conspirations si chauds et si zelés qu’on croiroit qu’ils défendent leur propre cause », a rejeté le supplément de réquisitoire et mis en liberté dix des prévenus… Rumeurs diplomatiques sur le projet anglais de diminuer les « dépenses de Ste Hélène » ; Tierney a ajouté « qu’on donnera la liberté au prisonnier qui désormais ne peut plus avoir d’inconvénient. Là dessus grande allarme à la légation française », mais c’était « une plaisanterie à l’anglaise »… 1er février. L’alarme des royalistes est communicative, et fait blâmer les « vilains ultras » : « Quand on voit tout cela on se désespère car il faut être incorrigible pour n’être pas corrigé par Louvel. Nous faut-il une seconde leçon du même genre ? »… Échos d’une discussion dans le Comité secret (De Serre insulté par le général Foy)… 2-4 février. Affaires d’Angleterre, suivant M. Canning… « M. de Talleyrand est devenu libéral. Cherchez quel intérêt il peut avoir à cela ? »… Quant au Congrès, des gens bien instruits disent que « c’étoit nous, et nous seuls qui avions tout entravé jusqu’ici. […] L’empereur Alexandre s’est prononcé en dernier lieu tres vivement, et a dit qu’il marcheroit en personne à Naples si cela étoit nécessaire »… 8 février. Brochure de Fiévée [Ce que tout le monde pense, ce que personne ne dit] : « Vous y pourrez juger l’esprit et les espérances de cette extrême droite »… 11 février. Les gens ne veulent point de Chateaubriand à Laybach : on craint que les plénipotentiaires Blacas, Caraman et La Ferronays ne soient « blessés de l’arrivée d’un homme supérieur qui attireroit les regards ». Elle espère que le Roi de Prusse ne s’y rendra pas, mais il est possible qu’il rejoigne les Empereurs à Naples : « il est de la nature des rois de recommencer, c’est l’habitude de leur vie, ils voudront mettre tout en train à Naples dans le nouvel ordre de choses qui sera établi »… Fouché est mort « tres chrétiennement » et a fait porter à Laybach une déclaration dont on ne sait rien… M. de Broglie a découvert deux de ses domestiques copiant des papiers de son bureau : employés par Mounier [ancien directeur général de la police et pair de France], ils cherchaient des papiers de M. d’Argenson… 18 février. Un neveu de Pozzo di Borgo, arrivé avant-hier d’Espagne, raconte des récits à faire frémir : « cette révolution ira aussi loin que possible parce que personne ne sait où il veut aller »… Observations sur les « bonnes raisons » invoquées pour le renvoi de Tissot du Collège de France, alors « qu’on pouvoit se contenter de ce qu’il eut porté la tête de Mde de Lamballe au bout d’une pique au 2 sept. »… Dénonciation de l’hypocrisie du gouvernement, rumeurs sur la grossesse de Madame et sur le retour de Decazes… 3-4 avril. La Ferronays est arrivé mais n’a pas encore mis le pied chez Monsieur ; Nesselrode arrive aussi, « et fait croire à de nouvelles combinaisons qui inquiètent »… Histoires absurdes concernant l’empereur de Russie : il aurait demandé à faire passer 200 000 hommes sur notre territoire pour aller conquérir l’Espagne… 8 avril. Selon Lord Bristol, beau-frère de Lord Liverpool, le bill des catholiques sera rejeté à la Chambre des Pairs anglaise ; Decazes aurait donné sa démission de l’ambassade d’Angleterre… Situation des Autrichiens, prêts à entrer en Piémont… 10 avril. Elle fait quelques objections à ce que Chateaubriand a écrit sur Fontanes… Elle explique que ce serait folie pour les royalistes de s’unir à leurs ennemis pour tuer le ministère : « il en résulteroit avant six mois un ministère entièrement libéral, et le triomphe des doctrinaires », et Chateaubriand se trouverait dans la situation la plus fausse : « on ne manqueroit pas de dire que vous avez poussé Villèle et Corbière au ministère pour les perdre »… 11 avril. Mauvaises nouvelles militaires de Turin… 16 avril. Envoi d’une liste de dotations de Napoléon (maréchaux, généraux, ministres)… Pasquier assure que Chateaubriand aura son congé et sera à Paris pour le baptême du duc de Bordeaux… Relation d’une lecture chez elle, et éloge du jeune Ancelot… 20 avril. « Les russes sont arrêtés. Que vont dire ces pauvres libéraux ? […] Ah qu’ils sont bien battus à terre si l’on veut ! On vit en état de cauchemar avec ce gouvernement »… Elle a vu Molé : lui et tout le « côté Talleyrand » vont faire la cour à Chateaubriand quand il sera là… 23 avril. « Il va y avoir cent grâces pour ce baptême, je crains que le ministère d’état n’en soit pas, on le garde pour vous faire partir, on nomme au lieu de cela le gl de Sparre et l’aîné Bauffremont tous deux gentilhommes d’honneur détestables d’opinion »… Déception devant le « talent de chambre » trompeur de Pasquier. « M. de Villèle va chez Mde de Montcalm, entendez-vous ce que cela signifie ? »… Etc. On joint 3 minutes autographes de lettres à Chateaubriand. 1 500 - 2 000 € 196 197 198 199

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