29 28 Lettres & Manuscrits autographes • 15 mai 2024 194 BALZAC Honoré de (1799 - 1850). L.A.S. « de Balzac », [Neuchâtel 29 septembre 1833], à Charles de BERNARD du Grail à Besançon ; 1 page in-8, adresse avec marques postales et cachet de cire rouge. Sur le passage de Balzac à Besançon (où il situera Albert Savarus), au retour de son séjour en Suisse où il rencontre pour la première fois Mme Hanska. Il aura le plaisir de revoir Charles de Bernard mercredi 2 octobre. « Voulez-vous avoir l’obligeance de me retenir une place à la malle pour Paris – Je désire bien vivement que vous ayez qlq. chose à me dire de votre plan, si toutes fois vous avez travaillé. – J’ai été très heureux ici, je suis très content de ce que j’ai vu, le pays est délicieux, mais vous savez que Jupiter a deux tonneaux et que les dieux n’ont point de faveurs qui soient pures ». Il craint de l’avoir « bien peu remercié de la bonne journée que vous m’avez donnée ; mais j’espère vous prouver que je ne suis point un ingrat ». Il aura « bien du plaisir à vous revoir, vous qui avez fait que mon voyage à Besançon n’a pas été inutile et que j’y ai trouvé du plaisir »... 800 - 1 000 € 195 BARBEY D’AUREVILLY Jules (1808 - 1889). MANUSCRIT autographe signé « J. Barbey d’Aurevilly », La Colonne, [1873] ; 3 pages in-fol. aux encres noire et rouge (feuillets découpés pour l’impression et remontés, sous cadre). Vigoureux article sur la destruction de la Colonne Vendôme lors de la Commune et la décision de la reconstruire. [En mai 1873, le maréchal de Mac-Mahon, président de la République, a décidé de faire reconstruite la Colone Vendôme aux frais de Gustave Courbet.] L’article de Barbey a paru dans Le Gaulois du 6 juin 1873, et a été recueilli dans Dernières Polémiques (A. Savine, 1891). Il est divisé en quatre parties. Le manuscrit présente des ratures et corrections. Certaines phrases sont écrites à l’encre rouge, et Barbey a rehaussé son texte de lettres d’encres de différentes couleurs (le titre à l’encre dorée). « Elle était une gloire. Elle va en être une seconde. C’est la victoire qui l’avait élevée, et c’est la victoire qui la relève. La victoire de ces derniers jours ! La victoire remportée encore une fois sur l’ennemi, et quel ennemi ? L’ennemi du dedans, plus odieux que l’ennemi du dehors !... Nous allons donc la revoir debout ! et que ne puissions-nous l’appuyer, pour les écraser mieux, sur la poitrine de tous les ennemis de la France, cet airain vaincu, comme disait son inscription sublime, fourni par l’Ennemi et abattu par un ennemi, pire que le premier ! Et que le Dieu de la France soit béni ! Nous allons revoir cet airain vaincu – et maintenant doublement victorieux, que nous aurions pu ne revoir jamais; car les misérables qui l’abattirent avaient allumé assez d’incendies dans Paris pour le faire fondre dans leurs abominables flammes ! […] Ce n’est donc pas seulement aujourd’hui une colonne relevée... Ce sont les relevailles de la France ! »… Etc. Barbey évoque ensuite les destructions de la Commune, et souligne le symbole que représente la Colonne, qui « n’est pas un monument comme les autres. La Colonne fait partie de l’honneur de la France, et mise à bas, notre honneur semble à bas comme elle. […] Son bronze est bien plus que du simple bronze. Le sang de ceux qui le prirent à l’ennemi sur les champs de bataille l’a imbibé, l’a pénétré, et en a fait une chose humaine et vivante. Ne vous y trompez pas ! C’est le sang de la France qui est là-dedans »… Ceux qui l’ont détruite sont des « parricides » : « Crime anonyme et collectif, exécuté au grand soleil , mais par des êtres qui s’appelaient la foule, l’irresponsable et détestable foule […] Nous pouvons relever la Colonne. Nous ne pouvons la faire relever à ceux-là qui l’ont abattue ! Nous ne pouvons leur imposer cette expiation vengeresse et juste. […] Un seul nom surnage à présent sur la mémoire du crime englouti, et c’est le nom de COURBET, l’Erostrate de la Colonne, plus coupable et plus imbécile que les stupides Erostrates qui ont si bestialement brûlé Paris ! Courbet, le faux artiste, qui trouvait laide cette fière Colonne, s’élançant droite vers Dieu, comme un Te Deum de victoire pour les yeux ravis, comme la flamme d’un encensoir inextinguible, Courbet, qui restera à jamais le titulaire du crime de la Colonne, dans une exécrable immortalité ! » Comment châtier un tel homme : « il faudrait, disait un homme indigné l’autre jour, montrer à toute la France le citoyen Courbet, scellé dans une cage de fer sous le socle de la Colonne. […] Certes, la faiblesse de nos jours décrépits reculera devant un châtiment si mâle, mais l’Histoire est là qui se chargera de la cage. Et je vous réponds qu’elle sera de fer ! » 800 - 1 000 € 193 ARAGON Louis (1897 - 1982). L.A.S. « Aragon », Paris 23 novembre [1971], à Suzanne CORDONNIER-MUZARD ; et 2 L.A.S. « Suzanne C » et « S C »(minutes) de Suzanne MUZARD à Aragon, novembre 1971 ; 2 pages in-4 chaque. Mise au point à propos de la liaison de Suzanne Muzard et André Breton, à la suite d’un article de France-Soir citant Aragon. [20 novembre]. Suzanne Muzard proteste : « Je ne pense pas que mon ex-mari admettra comme exact que je lui soutirais fourrures et bijoux, pour selon vos propres termes, m’empresser de les vendre afin de renflouer le père du Surréalisme à une époque où vous étiez le meilleur ami d’AB. […] Je cherche aujourd’hui à comprendre les raisons de vos insinuations malveillantes, et pourquoi il vous plaît que dans une période sentimentale de sa vie AB soit classé comme ayant vécu aux crochets d’une femme »… 23 novembre. ARAGON se défend d’avoir donné aucune interview à France-Soir : « Il n’y a eu aucune insinuation malveillante de ma part. On fait dire dans la presse de nos jours n’importe quoi à n’importe qui. […] Je vous ferai encore remarquer, non seulement que le vocabulaire employé n’est pas le mien, je n’ai jamais employé le mot dèche pour signifier les difficultés matérielles de la vie, mais que d’autre part, quelles qu’aient pu être alors les difficultés d’André dans ce domaine (difficultés dont je n’ai jamais eu connaissance ou conscience), elles n’étaient en rien comparables à ce qui se passait dans ma vie. Je ne vois aucune raison dans tout cela, et il faut tout de même que je vous dise que, malgré la rupture entre nous plus tard (et cela a été le grand drame de ma vie) je n’ai jamais cessé d’aimer et d’admirer André, je n’ai jamais écrit quoi que ce soit contre lui, même quand il s’associait à des textes dirigés contre moi »… Cependant à l’occasion de plusieurs biographies récentes, il a exprimé son indignation « qu’on vous ait supprimée purement et simplement de sa vie, qu’aucune mention ne se trouve où que ce soit de la seule femme qu’il ait à ma connaissance véritablement aimée »… Il s’est exprimé aussi sur ce que Breton pensait et disait d’elle « dans cette sombre période de sa vie après votre dernier départ, où Éluard et moi craignions qu’il ne se tue, à cause de votre absence – j’ai dit à qui a voulu l’entendre que c’était une honte de barrer de son existence la femme pour qui, elle partie, il a écrit le plus beau poème de sa vie, L’Union libre »… Et de raconter la conversation qu’Éluard et lui eurent avec Breton, dans les premiers jours de 1932, après la publication du poème sans nom d’auteur… 24 novembre. Réponse de Suzanne Muzard : « vous restez l’unique témoin d’une passion jadis orageuse – qui dès le début était condamnée par son gâchis – à ne pas survivre. Je ne renie pas d’avoir aimé André. Et, je crois puisque vous me l’affirmez, avoir compté dans sa vie… beaucoup trop. J’ai toujours ignoré qu’il avait pensé à se tuer. […] que l’entourage de A. m’ait jugée néfaste ne me semble pas excessif. Pourtant j’avais des circonstances atténuantes ! Je n’étais qu’un pion entre deux hommes dont j’étais l’enjeu… Je n’ai jamais pensé faire état, des preuves qu’André a signifié en imprimé ou en privé – dans la fin de Nadja »… Quant à L’Union libre, le poème fut écrit en sa présence et seulement diffusé plus tard : « AB avait sans doute renoncé à m’en honorer ! Mais ce que vous ne savez pas est : que le titre L’Union l.. était un défi contre le mariage et EB »… Elle est touchée qu’Aragon veuille la faire sortir de l’ombre, à 71 ans ! « J’ai pu constater que l’amour n’est pas toujours exclusif mais plutôt renouvelable. AB et moi avons refait surface – ailleurs – séparément. J’ai pendant 25 ans vécu d’un sentiment dont j’ai pu mesurer la réelle importance »… 400 - 500 € 193 194 195
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