ADER Nordmann. Paris. LETTRES AUTOGRAPHES & MANUSCRITS

85 179. Jacques LACAN (1901-1981). Manuscrit autographe, Assomption de soi-même ; 19 pages in-4 (1er feuillet lég. effrangé et froissé sur un bord). 3 000 / 4 000 € Important manuscrit de travail sur la notion d’assomption. Ce manuscrit, au stylo bille bleu, a dû servir à préparer un séminaire ; de tout premier jet, d’une écriture cursive et rapide, parfois difficile à déchiffrer, il présente de nombreuses ratures et corrections, certaines au stylo à bille rouge, et des ajouts dans les marges. Lacan suit le cheminement de sa pensée et enchaîne des réflexions d’une thématique à l’autre. Il part du « sujet » qu’il place dans diverses situations : appartenance à la communauté, identité, liberté, culpabilité, morale, rôle de la société et du langage, travail etc. «Assomption de soi-même qui renvoie le patient de la maladie à son sens. Que représente la maladie dans sa forme constituée. De là dans sa signification pour un sentiment immédiat. Ses besoins par rapport à un entourage sur lequel il a prise familial, professionnel voire social […] Le sujet parle selon un langage en principe universel ». L’appartenance à une communauté oblige à une discipline des rapports et des fonctions : « donner son style et sa valeur, à la face que les êtres présentent les uns aux autres. L’image que les êtres donnent d’eux-mêmes est évidemment (formatrice) et l’on peut constater couramment l’interrogation qu’il reçoit dans les fonctions du rôle qu’il a à jouer dans la communauté ». Le sujet doit se soumettre à une « règle psychologisante, l’association libre par exemple. Mais nous avons montré qu’il n’y a pas d’association libre, pas plus qu’il n’y a de crime naturel. […] La culpabilité a sans aucun doute une beaucoup plus haute importance dans la psychanalyse d’un “primitif” chez qui la société est reçue pour être en harmonie avec le Cosmos où les rites de la fécondité seuls sont parallèles à ceux qui auront l’ordonnance de la nature. La conscience malheureuse de l’homme qui se connait comme détaché de l’ordre primitif instauré par Dieu […]. La révolte moderne est le reflet de cette conscience malheureuse qui rend le sentiment moindre en même temps qu’elle l’exclut de la perfection ». Lacan insiste sur le rôle du modèle, « de l’exemple vivant ou imaginaire. Ce qui est fourni à l’âme d’un jeune français cultivé par Lucien Leuwen, n’est pas plus significatif que celui des biographies de vedettes pour la sténodactylo. Je répugne à infléchir ce discours par la supériorité impliquée dans l’emploi du terme de midinette, sinon pour faire réfléchir que ce qui donne sa valeur propre à ce terme c’est justement l’idée d’un être possédé au-delà de tous ses moyens par des idéaux. Que la qualité de ceux-ci soit celle des objets de bazar, soit on en impute la faute à l’individu qui s’en contente plutôt qu’à la communauté qui le lui permet ». Le sujet qui s’exprime par “Je” « reconnait à ce Je un caractère objectivable, où il le voit comme « moi » comme « entité au minimum liée aux limites et aux servitudes de son corps » ; et plus loin : « En fait le moi est bien une synthèse à tout instant recréé dans notre vécu. Mais que nous aurions tort d’identifier aux formes supérieures de l’activité personnelle traditionnellement reconnue par les antiques formes du vouloir et du connaître »… Lacan en vient alors à la morale : « On ne saurait bénéficier que par le plus noir artifice de qualificatifs de morale provisoire pour la raison qu’il est clair qu’il s’agit de la morale tout court » ; et il conclut « Le moi ne peut être tenu pour indépendant de certaines structures sociales ». Lacan fait un graphique comparant Dialectique, Psychologie et Anthropologie, et enchaîne : « Le “moi” est une synthèse assurément dans l’analyse mais une synthèse négative et aliénante. Il ignore ce qu’on appelle la pulsion. Il la méconnaît. Méconnaissance systématique. Il se construit dans la négation de la réalité et l’inversion des pulsions. Il est dans une parenté évidente avec le délire. Il est d’autre part corrélatif de la structure du monde humain en tant qu’il dépend de l’objet. Comme entité – constance – permanence – substance. Comme plurivalence – instrumentale – symbolique. Une branche est virtuellement bâton ou bûche»… Etc. La suite du manuscrit est moins formulée. Ce sont plutôt des notes jetées sur le papier. Il insiste sur l’importance de la psychanalyse qui est une technique, mais « ce n’est pas une science. Clef de toute approche scientifique de l’homme »… Il insiste aussi sur le rôle de la parole… Etc.

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