ADER Nordmann. Paris. LETTRES AUTOGRAPHES & MANUSCRITS

91 40 .../... Parmi ses lectures diverses, « je me gaudys avec Pétrus Borel qui est Henaurme. Je retrouve là mes vieilles phrenesies de jeunesse ! Cela valait mieux que la monnaie courante d’à présent. On était monté à un tel ton que l’on rencontrait qqfois un bon mot, une bonne expression. – Il y aurait, du reste, sur ce malheureux livre, une belle leçon à faire. Comme le socialisme perçait déjà ! Comme la préoccupation de la morale rend toute œuvre d’imagination fausse & embêtante ! etc. ! Je tourne beaucoup à la critique. Le roman que j’écris m’aiguise cette faculté. – Car c’est une œuvre surtout de critique ou plutôt d’anatomie. Le lecteur ne s’apercevra pas (je l’espère) de tout le travail psychologique caché sous la Forme. Mais il en ressentira l’effet. – & d’une autre part je suis entraîné à écrire de grandes choses somptueuses, des batailles, des sièges, – des descriptions du vieil Orient fabuleux. J’ai passé jeudi soir deux belles heures la tête dans mes mains songeant aux enceintes bariolées d’Ecbatane. – On n’a rien écrit sur tout cela ! Que de choses flottent encore dans les limbes de la pensée humaine ! – Ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais les hommes». Il conte alors « deux petites aimables anecdotes ». L’une concerne « un homme qui s’est noyé avec ses deux enfants attachés à la ceinture. La misère ici est atroce, des bandes de pauvres commencent à courir la campagne, les nuits » ; un gendarme a été tué: «Les bons paysans commencent à trembler dans leur peau. S’ils sont un peu secoués, cela ne me fera pas pleurer. Cette caste ne mérite aucune pitié ; tous les vices & toutes les férocités l’emplissent ». La seconde histoire concerne l’exécution d’un assassin : « pour voir guillotiner cet excentrique il est arrivé dans Provins dès la veille plus de dix mille gens de la campagne. […] Ô suffrage universel ! ô sophistes ! ô charlatans ! Déclamez donc contre les gladiateurs et parlez-moi du Progrès ! Moralisez ! Faites des lois, des plans ! Réformez-moi la bête féroce. Quand même vous auriez arraché les canines du tigre, & qu’il ne pourrait plus manger que de la bouillie, il lui restera toujours son cœur de Carnassier ! – & ainsi le Cannibale perce sous le bourgeron populaire – comme le crâne du Caraïbe sous le bonnet de soie noire du bourgeois. Qu’est-ce que tout cela nous fout – faisons notre devoir, nous autres ; que la Providence fasse le sien ! » Puis il évoque la liaison de Bouilhet avec « la Sylphide » [Edma Roger des Genettes] : « Ils s’accouplent avec véhémence. Il est du reste peu exalté – c’est comme ça qu’il faut être. Laissez l’exaltation à l’élément musculaire et charnel, afin que l’intellectuel soit toujours serein. Les passions pour l’artiste doivent être l’accompagnement de la vie. L’art en est le chant. Mais si les notes d’en bas montent sur la mélodie, tout s’embrouille. Aussi moi gardant chaque chose à sa place, je vis par casiers – j’ai des tiroirs – je suis plein de compartimens comme une bonne malle de voyage – & ficelé en dessus, sanglé à triple étrivière ». Et il conclut tendrement : « Maintenant je pose ton doigt à une place secrète, ta pensée sur un coin caché, & qui est plein de toi-même – & je vais m’endormir avec ton image et en t’envoyant mille baisers »... Correspondance (Pléiade), t. II, p. 496. 89. Gustave FLAUBERT. L.A.S., Croisset. Vendredi matin, à un ami ; 1 page in-8 (encadrée). 700 / 800 € « Voici le morceau, cher ami ! Suis-je héroïque de vous confier un pareil diamant ! Car ce sont là de ces choses que l’on refuserait à sa mère, vous en conviendrez ! Amusez-vous avec »… 90. [Gustave FLAUBERT]. 6 L.A.S. 300 / 400 € Ami(e)s et relations de Flaubert. Louise COLET (à une dame, au sujet d’un keepsake). Maxime DU CAMP (5 mars 1858, remerciant Ch. de Mazade d’un paragraphe sur ses Convictions). Edmond de GONCOURT (décembre 1890, remerciant d’un article sur La Fille Elisa). Jules LEMAITRE (22 avril 1911, compliments à un jeune poète). Princesse MATHILDE (2 : 4 septembre, à la comtesse Resta, au sujet de l’achat de deux groupes ; billet amical). 91. Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794). Manuscrit autographe ; 2 pages in-fol. 400 / 500 € Brouillon surchargé de ratures et corrections, pour son roman pastoral Estelle (1788). Florian a écrit son texte à l’encre brune sur la partie droite de la page ; un long passage biffé reçoit dans la marge de gauche une nouvelle rédaction. «Cette tendre amante, non moins étonnée, non moins ravie de retrouver Isidore, se hâte de le rassurer, en l’embrassant avec transport. Le berger, ivre de bonheur, s’y livre sans pouvoir le comprendre»… Etc.

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