ADER Nordmann. Paris. LETTRES AUTOGRAPHES & MANUSCRITS

37 .../... 88. Gustave FLAUBERT. L.A.S. « ton G. », [Croisset] Lundi soir [2 janvier 1854] 1 h., à Louise Colet ; 4 pages in-4. 6 000 / 8 000 € Belle et longue lettre sur Madame Bovary, Victor Hugo, avec une vigoureuse diatribe contre le peuple et le bourgeois. Il espère qu’elle a bien reçu « le volumineux paquet du Crocodile » [surnom de Victor Hugo], et pense que le manuscrit de La Servante de Louise est arrivé à Rouen : « On y va assez difficilement maintenant à cause de la neige qui emplit les chemins, et comme la Seine est gelée et que les bateaux ne peuvent naviguer, nous sommes un peu à l’état de Robinsons ». Il lira son poème « avec soin, d’abord en masse, pour voir l’ensemble, puis en détail, puis en masse et je te ferai de longs commentaires, le plus expliqués, possibles. J’y mettrai, pauvre chère Muse, tout mon cœur et tout mon esprit, n’aie aucune crainte ». Il a travaillé avec Louis Bouilhet sur Madame Bovary : « Il a été content de ma baisade [d’Emma et Rodolphe]. Mais, avant le dit passage, j’en ai un de transition qui contient 8 lignes – qui m’a demandé 3 jours, – où il n’y a pas un mot de trop–, & qu’il faut pourtant, refaire ! encore ! parce que c’est trop lent. – C’est un dialogue direct qu’il faut remettre à l’indirect, et où je n’ai pas la place nécessaire de dire ce qu’il faut dire, tout cela doit être rapide & lointain comme plan ! tant il faut que ce soit perdu & peu visible dans le livre ! – Après quoi j’ai encore trois ou quatre autres corrections, infiniment minimes, mais qui me demanderont bien toute l’autre semaine ! Quelle lenteur ! quelle lenteur ! N’importe, j’avance. J’ai fait un grand pas – & je sens en moi un allégement intérieur qui me rend tout gaillard, quoique ce soir j’aie littéralement sué de peine. C’est si difficile de défaire ce qui est fait et bien fait, pour fourrer du neuf à la place sans qu’on voie l’encastrement ». Quant aux Fossiles de Bouilhet, « je trouve cela fort beau, et continue à soutenir qu’il fallait s’y prendre de cette façon. Tout le monde, après les Fossiles eut fait une grande tartine lyrique sur l’homme ; mais l’homme a changé, & pour le prendre complètement il faut suivre son histoire, le monsieur en habit noir étant aussi naturel que le sauvage tatoué, il faut donc présenter les deux états & tout ce qu’il y a d’intermédiaire entre eux. Je crois que cette méthode était la plus forte, & la plus difficile surtout »… Puis il parle des Châtiments de Victor Hugo, et du poème Les Abeilles [Le Manteau impérial] : « C’est raide, d’idée surtout – & je trouve les mouches de Montfaucon splendides. Quant à l’Expiation quel dommage que ce soit bâclé! Tout le Vaterloo est stupide, mais la retraite de Russie et Ste Hélène (à part des taches, nombreuses) m’ont plu et extrêmement. On eut pu faire de cela qque chose d’aussi beau que le Feu du Ciel [poème des Orientales]. – N’importe, ce bonhomme est un grand homme et un très grand homme».

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