71 140. Pierre LOUŸS. 5 L.A.S. Pierre » ou « P », 1902-1904, à son frère Georges Louis ; 23 pages formats divers. 500 / 700 € Correspondance en grande partie inédite. 1902. – 12 mars. « Quel misérable hiver je viens de passer à tous les points de vue ! Je ne te parle plus de mes idées noires, mais elles ne me quittent pas depuis trois mois. J’ai tout juste l’état d’esprit d’un condamné à mort à qui l’on dirait : Pourquoi n’écrivez-vous pas un petit roman pour vous occuper d’ici à la cérémonie ? […] je n’ai été voir personne puisque les maladies passent de moi à Louise et d’elle à moi presque sans intervalle ». Amusant potin sur le cocuage du ministre Baudin. Révélation sur la Cassandre de Ronsard, « une Italienne, Cassandre Salviati née à Blois, et ancêtre directe d’Alfred de Musset »... – Rameaux [23 mars]. Il s’inquiète de sa belle-sœur Paz, s’interroge sur la valeur de son conte publié dans le New York Herald. « Je t’envoie aussi mon sonnet de la Plume que je n’avais pas osé te copier à cause de son impudence ». Il attend avec impatience le retour de Georges… – 18 brumaire 107 [9 novembre]. Il se réjouit de la nomination de Georges au poste de directeur des Consulats et des Affaires commerciales : « Il n’est pas douteux que, sans aucun effort, en acceptant les postes qu’on t’offrait et en demandant parfois comme tout le monde ceux qui devenaient vacants, tu aurais pu avoir ce qu’on appelle “une très brillante carrière” mais aujourd’hui je ne le regrette pas plus que toi, et ne suffit-il pas que cela ait été absolument possible, pour que tu sois satisfait à la fois de toi même et de cette première moitié de ta vie ? […] À ta place, j’en jugerais de la même façon ; et j’en suis certain, car je me suis posé la question en ce qui me concerne. Depuis trois ans, si j’avais voulu écrire six romans, organiser des voyages littéraires, laisser éditer ma photographie et accepter de sortir tous les soirs (ajoute à cela les mariages d’argent qu’on me reproche tant d’avoir déclinés) je serais aujourd’hui plus “brillant”, moi aussi, et moins heureux, je le crois bien. Au fond nous avons voulu tous les deux conserver notre liberté, parce qu’il ne peut pas être question d’une vie heureuse sans ce mot là pour base »… 1904. – [11 février]. Commentaire sur l’attaque par les Japonais de la flotte russe à Port-Arthur : « Cette nation là a un cerveau de douze ans ; elle donne des espérances comme un bon élève qu’elle est ; mais c’est effrayant de penser qu’on met des torpilles entre les mains de ces enfants précoces »… – Mardi soir [mai]. Anecdote sur les wagons-lits, après un départ retardé par une migraine de Louise. Récit d’un « rêve interminable sur le vers “Et quasi cursores” »… On joint 3 l.a.s. de Paz Louis à Pierre : 19 avril 1902, sur la venue à Biarritz de Loulouse ; 21 et 22 mars 1903, sur la santé de Georges (14 p. in-8, enveloppes). 141. Pierre LOUŸS. 2 L.A.S. « P.L. », 1902 et s.d., à son ami Curnonsky ; 4 et 3 pages in-8 (petit trou à la 1ère). 400 / 500 € 15 novembre [1902]. Lettre érotique pendant le séjour de Curnonsky en Cochinchine. « Curnonsky, mon ami, plusieurs prodiges célestes ont suivi votre départ qui est une calamité. Les ténèbres se sont répandues sur Paris pendant quarante heures. Les nymphes de la Seine ont parcouru les cafés chics, versant leur eau dans tous les bocks en signe de deuil. L’obélisque s’est mollement replié sur son piédestal comme une mentule qui en a assez d’étudier l’astronomie. Bref la désolation est partout »… Il l’évoque à Colombo, « fort occupé à sodomiser diff[icul]tueusement une petite Cinghalaise de huit ans […] Combien de temps allez vous détruire votre santé si précieuse avec des cochinchinoises impubères, d’un calibre manifestement trop étroit ? ». Il le prie de lui trouver un exemplaire du roman chinois Kin-Ping-Meï, et un jeu complet de phallos japonais »… Sur ses problèmes de santé : « voici dans toute l’horreur de ses détails, la maladie qui me martyrise. Quand je danse le cake-walk – ou quand je foule depuis une heure les pédales de mon faux orgue – ou quand je me baisse brusquement pour ramasser quelque chose – ou quand je marche plus de trois heures de suite – il arrive quelquefois que je crois constater une légère sensibilité à l’endroit de mon appendice » ; il observe un régime strict, et vit dans l’isolement depuis deux mois..
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