66 135. Pierre LOUŸS. 13 L.A.S. « Pïerre », mai-août 1898, à son frère Georges Louis ; 34 pages in-8 ou in-12, enveloppes et adresses. 1 200 / 1 500 € Belle correspondance en très grande partie inédite à son frère, sur la publication de La Femme et le Pantin, et la fin de sa liaison avec Marie de Régnier. [Plusieurs lettres sont annotées au crayon par Louÿs, avec des erreurs sur les dates.] – [15 mai]. Programme chargé : dîners chez Jules Maciet, chez Lebarbier de Tinan père, chez le peintre Jean-Pierre Laurens… « Hier dîner avec Valéry qui vient d’avoir pendant six semaines une crise assez inquiétante de neurasthénie. Je l’ai trouvé maigri et pâli. Il parle avec insistance du surcroit de travail qu’on impose en ce moment aux attachés de la guerre et de la marine, en vue d’une guerre prochaine et probable avec tous les english speakers »... – [18 mai]. Il décommande le dîner, étant « pris par une petite indisposition très ennuyeuse, quoique pas grave du tout et qui a comme toujours pour conséquence principale de m’abrutir complètement ». Son roman [La Femme et le pantin] « paraît demain matin ». – [19 mai].Il va dîner chez Larue en smoking ; il évoque un projet dans lequel il aimerait impliquer l’acteur Mounet-Sully « qui n’a rien à jouer pour après Othello »… – 20 mai. « Stick [Henri de Régnier] est absent de chez lui tous les vendredis et tous les samedis de cinq à sept. Tu peux donc aujourd’hui ou demain, aller le voir à cette heure là, par exemple en rentrant chez toi pour t’habiller. – Mais il me semble que tu peux très bien ne déposer qu’une carte, si tu veux. Il vaut mieux en effet que tu ne voies pas X. [Marie de Régnier] en ce moment. Elle n’est pas jolie du tout quand elle est de mauvaise humeur ». Son roman [La Femme et le Pantin] « sera beaucoup plus court que je ne pensais. Je devais 24 feuilletons. J’en espérais 27. Il y en aura 18 à peine. ». – [23 mai]. « Je suis très patraque, fiévreux depuis hier et j’ai refusé mes deux invitations pour aujourd’hui. […] Si tu veux me voir un de ces jours, tu seras reçu à n’importe quelle heure et je te montrerai à l’esclave pour qu’elle ne te prenne pas pour un créancier féroce »… – 25 mai. Il a vu sa sœur Lucie : « L’appartement avait été auparavant expurgé. Je lui ai joué le Venite Adoremus et tout s’est bien passé. […] Sans doute, mon indisposition me permettrait de sortir ; mais elle fait mieux, elle m’oblige à sortir tout à coup de temps en temps et comme elle n’admet aucun délai de convenances il n’y a pas moyen de dîner en ville dans ces conditions-là ». Quant à La Femme et le pantin : « J’ai eu l’impression que mon feuilleton n’allait pas mal ; mais c’est la première fois depuis le début. L’ensemble me paraît d’un style très lâché, avec des répétitions, des tournures trop familières, des “c’est” ou “c’était” qui reviennent six fois par colonne. D’autre part, dans la bouche d’un personnage qui fait le récit d’un bout à l’autre, je ne pouvais pas mettre tout le temps du style soutenu… mais je m’aperçois maintenant combien il est difficile d’éviter les retours de formule quand on fait parler le même monsieur pendant 4.000 lignes. […] la réclame du Journal (P.L. le célèbre auteur, etc.) a fait un bruit énorme dans les milieux de mes amis (je veux dire de mes ennemis) »… – [28 mai]. Il est invité « depuis quinze jours par Mme Ricard [Augustine Bulteau] pour le vendredi 3, et comme elle m’a invité en outre à toutes ses soirées du vendredi et que je n’ai encore pu aller à aucune, je ne peux pas contremander ce dîner. J’aurais l’air de la fuir après ses divorces »… – [8 juillet], au sujet d’un article dans la Vie Parisienne sur La Femme et le Pantin : « Je n’ai rien donné pour ceci mais ça vaut largement deux cents louis. Et je ne sais pas du tout d’où ça me vient ». Il soupçonne Mme Bulteau… – [10 juillet]. Il va à l’inauguration du monument Leconte de Lisle au Luxembourg… Ses affaires vont bien avec l’éditeur Borel, et il y a un projet de mise en scène d’Aphrodite aux Variétés… – [22 juillet]. Bilan de ses déboires amoureux, avant la naissance de Tigre de Régnier (3 septembre). « Après-midi j’étais chez Stick [Henri de Régnier] quand M. [Marie] est entrée en peignoir, sachant que j’étais là. “ Je viens parce que j’ai besoin de m’étendre ”, a-t-elle dit. En effet il y avait un petit divan dans la pièce ; mais comme dans la chambre il y a sans doute un lit… Elle cherchait donc un prétexte. Dix minutes après, Stick, lui, n’en a cherché aucun pour sortir de la chambre et nous laisser seuls » ; suit un moment de trouble : « je ne devinais rien, qu’une tristesse profonde. […] Si tu ne me conseilles pas le contraire, j’irai la voir souvent, ce mois-ci. À mesure que le terme approche j’ai une inquiétude qui grandit et m’affole. Je ne veux pas y penser. J’y pense tous les jours. Je la crois trop fragile, pas faite pour cela, et je crois qu’elle aussi elle s’en doute. Puisqu’elle ne me fuit pas quand je vais chez son mari »... Il rapporte ensuite une conversation avec Augustine Bulteau (Toche), qui semble vouloir jouer les marieuses, au cours de laquelle plusieurs noms de jeunes femmes ont été évoqués : Germaine [Dethomas] et L. [Louise de Heredia]. « Si tu ajoutes à ceci la pauvre Zo [Zohra] qui attend toujours et à qui je suis encore relié par des souvenirs très vivants, voici quatre personnes dont je suis amoureux et qui répondent. C’est peut-être beaucoup, même pour un été oisif. Aussi je vais penser surtout à la première ; bien au fond, je n’ai jamais aimé qu’elle »… – [2 août]. Organisation d’un goûter avec Mme Bulteau , Mme de la Baume, les Dethomas, Heredia, « Régnier (et peut-être ? sa femme) »… « Viens si tu peux ; je suis si heureux quand je peux te faire connaître les personnages de mes lettres »… – [20 ? août], pour une entrevue avant le départ de Georges pour Le Caire. Pierre demande si « une présence féminine [Zohra] à demeure chez toi, est compatible avec tout ce que je sais de tes goûts. J’en doute un peu »... – 30 et 3 août. Sur la situation politique, les inquiétudes au sujet d’une guerre, l’antisémitisme à Alger, l’affaire Dreyfus… Puis sur ses affaires sentimentales : déclaration d’amour de Toque [Louise de Heredia], dîner chez Alcyon [Marie de Régnier] avec son mari: « Les Toitures [maris] ne comprennent jamais qu’ils sont de trop. – Au fait, n’en disons pas de mal ; ce sont de précieux êtres ».. On joint un télégramme du 24 août.
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