57 120. [Victor HUGO]. Juliette DROUET (1806-1883). L.A.S. « Juliette », 4 août 1851, à Victor Hugo ; 4 pages in-8. 700 / 800 € Belle lettre amoureuse. « Bonjour, cher adoré, bonjour. Je devrais rester sur ce bonjour dans lequel j’ai mis toute mon âme et ne pas me risquer plus avant […] Cependant j’ai besoin d’arriver jusqu’à ton cœur n’importe par quel chemin et quand je devrais me déchirer l’âme à toutes les ronces de la Jalousie. Mon Victor je crois que je touche enfin à la suprême guérison. Le désir que j’ai de t’épargner dans ta santé, dans ta patience, dans ta bonté et dans ton dévouement me donne un courage et une confiance que ma raison toute seul ne pourrait pas me donner. Je te vois t’épuiser en efforts de tout genre pour me persuader que tu m’aimes que tu m’as toujours aimée. […] j’y crois parce qu’avant toute explication je veux que tu n’aies ni souci ni remords à mon sujet. Je veux que tu guérisses, je veux que tu sois heureux, je veux tâcher de n’être jamais pour toi qu’un souvenir doux et honnête et si peu gênant que tu puisses le garder toute ta vie. […] Le sourire monte de mes lèvres à mes yeux pour les mouiller. La plainte douloureuse sort de ma poitrine en un long cri d’amour d’espérance et de joie »…S 121. Henri-Dominique LACORDAIRE (1802-1861) L.A.S., La Quercia 16 décembre 1839, au comte de Falloux, à Rome ; 2 pages et demie in-4, adresse, marque postale Viterbo (bord lég. effrangé). 300 / 400 € Magnifique lettre au jeune publiciste. Il n’a pu rendre les visites que M. de Falloux lui a faites à Viterbo, et lui écrit avant d’entrer « dans cette terrible année 1840 qui, sans détruire mes sentimens pour vous, serait capable d’en renvoyer l’expression à l’autre monde. J’estime beaucoup l’autre monde, grâce à Dieu, mais je tiens qu’il faut payer ses dettes dans celui-ci. […] J’écrivais à Mme Swetchine que vous m’apparaissiez de temps en temps comme à l’époque des fées ou plutôt de la chevalerie, lorsqu’après des années de séparation, on se rencontrait tout-à-coup sous les murs d’Antioche ou d’Edesse, au pied du mont Liban, ou en buvant de l’eau du Nil. Et, dans le vrai, si la chevalerie de l’épée n’est plus, celle des idées commence. Nous sommes un peu tous, sous beaucoup de rapports du moins, des chevaliers errans de l’intelligence ; nous cherchons le secret perdu de la vérité […] ; nous cherchons la cité future des hommes, parce que celle d’aujourd’hui n’est plus qu’une tente au milieu d’un champ. Voilà justement ce qui fait, cher et noble ami, que nous nous rencontrons par les chemins de ce monde ; nous sommes deux coureurs d’avantures spirituelles, vous plus jeune, moi plus vieux, partis de rivages plus différens encore que le nombre de nos années. C’est pourquoi vous me pardonnez de ne pas coucher toujours dans le même lit que vous. Celui d’un moine est toujours un peu plus dur et sauvage que celui d’un jeune homme du monde, quelque amoureux de la sagesse qu’il soit. […] Réunis que nous sommes par les grands endroits de l’esprit, laissons au temps le soin de nous apprendre qui a tort ou raison sur le reste. Dès que Jésus-Christ et son église sont pour vous la pierre angulaire des destinées de l’humanité, je vous tiens pour ayant reçu la lumière de ces révélations qu’on appelle vulgairement des révolutions. Vous êtes homme baptisé du baptême de l’avenir ; vous êtes dans la conjuration de ce que Dieu prépare, son soldat, son lévite, un français retrempé à la source prédestinée d’où est sortie la France »… 121 120
RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==