ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

7 La collection de lettres et manuscrits autographes formée par Brigitte et Roland Broca, et dont la vente sera complétée par deux ventes de livres et de photographies, peut sembler, au premier abord, quelque peu hétéroclite. Mais elle reflète bien cependant les intérêts et la personnalité du couple, et sa passion pour la littérature. La section Beaux-Arts rassemble plusieurs artistes contemporains de leur bel immeuble de l’avenue Rapp, comme Émile Gallé, Mucha ou Rochegrosse. Promeneurs, ils ont aimé feuilleter l’herbier formé par Jean-Jacques, « promeneur solitaire ». Un premier fil rouge se dessine, qui touche particulièrement la journaliste et politlogue ; c’est l’engagement politique de l’écrivain, du communiste Aragon jusqu’au monarchiste Charles Maurras, avec surtout le courage d’Émile Zola prenant la défense de Dreyfus. Le médecin a réuni un ensemble de scientifiques, où la psychiatrie et la psychanalyse sont mises en valeur, de Pinel à Charcot et à Freud. Le pédopsychiatre s’est particulièrement intéressé aux idées pédagogiques de Mme de Sévigné ou de Rousseau, aux lettres du tout jeune Marcel Proust dont la sexualité s’éveille, ou au roman de jeunesse de Montherlant. Le second fil rouge se tresse autour des liens mystérieux qui existent entre le génie et le délire, la folie ou la transgression, du marquis de Sade à Antonin Artaud (avec d’étonnantes lettres de Rodez), des textes d’André Breton sur « l’art des fous » aux excès haineux de Céline ou au brouillon du Balcon de Jean Genet. Trois grands ensembles ont été constitués autour de trois écrivains majeurs et controversés. Du marquis de Sade, près de 70 lettres, en grande partie inédites, retracent une cinquantaine d’années de sa vie, du jeune marié avouant à son oncle sa répugnance pour sa femme jusqu’au vieillard de l’asile de Charenton, en passant par les années de prison, de Miolans au donjon de Vincennes et à la Bastille. L’important recueil formé par Gilbert Lely côtoie d’intéressantes lettres familiales, notamment de sa femme et de sa redoutable belle-mère, la présidente de Montreuil. La centaine de lettres d’Émile Zola, qu’admire Brigitte Broca, permet de suivre le romancier depuis ses tout débuts de conteur et de journaliste, puis l’édification du cycle des Rougon-Macquart, ses échecs académiques, l’engagement en faveur de Dreyfus, jusqu’à la veille de sa mort. Trois manuscrits complètent l’ensemble, dont le Pro Domo mea en réplique aux attaques contre lui, et Sedan, qui préfigure La Débâcle. De Louis-Ferdinand Céline, le Dr Broca, qui a commencé sa carrière au dispensaire de Clichy où l’avait précédé le docteur Destouches, a réuni un ensemble exceptionnel de plus de 150 lettres, de 1914 à 1957, à divers correspondants : ses parents, Lucien Descaves, les actrices Junie Astor et Marie Bell, son traducteur anglais John Marks, Marcel Aymé, son ami Daragnès, l’acteur Robert Le Vigan, etc. L’itinéraire de Céline est retracé pas à pas, presque année par année : l’expérience du jeune soldat au front, le dispensaire de Clichy, le romancier à succès du Voyage et de Mort à crédit, le pamphlétaire antisémite, les lettres ouvertes aux journaux pendant l’Occupation, la fuite et l’exil au Danemark, la difficile genèse de Féerie, le retour en France et l’installation à Meudon, les derniers romans dont on trouvera ici quelques fragments, ainsi que le manuscrit du ballet Voyou Paul Brave Virginie. Ajoutons que le Béarnais Roland Broca, n’a pas oublié ses racines En témoignent les manuscrits de Francis Jammes, les documents historiques du siècle de Henri IV, et ceux des rois d’une Espagne chère à son cœur. T. B.

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