ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

262 nos plus sublimes sentiments moraux ». La libido sexuelle a été « créée par les démons ». Le corps de l’homme était pur, « mais il a été détruit et saccagé par le mal et les démons [...] afin d’insulter à l’œuvre et à la pensée de Dieu ». Ainsi Dieu a disparu du monde, «Dieu Vierge a été assassiné [...] Avec tout ce qui lui restait d’âme Dieu est parvenu à susciter quand même une âme et à l’introduire dans ce corps-là afin d’inviter avec le temps l’homme à se détacher de ce corps-là »… Mais âme et corps sont mêlés et soumis à « une action d’envoûtement fluidique [...] De sorte que pour rester dans le chemin de Dieu celui qui aujourd’hui veut penser, sentir, aimer doit s’abstraire ce faisant de son corps. Et c’est une opération psychologique terrible que de vivre dans cet effort constant. Il y faut une énergie et une volonté de toutes les minutes ». Et le principal obstacle est la sexualité, « cette pierre d’achoppement horrible »... Artaud, lui, a depuis longtemps « passé ce cap d’enfer » et « compris l’insidieuse malice que le mal met à nous empêcher d’aimer en rejetant nos pensées passionnelles vers le gouffre de la sexualité ». La fin de la lettre est une superbe méditation sur l’Amour parfait... « l’Amour Parfait ne peut se rencontrer que dans les cœurs qui ont renoncé aux joies terrestres parce qu’ils les trouvent trop viles et trop mesquines pour eux, il exige pour s’accomplir la venue sur terre d’un Régime qui est l’apanage exclusif de Dieu. Quand on a connu une fois l’Amour Divin on ne veut plus en avoir d’autre car il est le seul qui soit à la mesure des exigences d’absolu du cœur. Car l’Amour est une chose qui par essence a besoin de renouvellement et les gestes du corps sont mesurés sur terre mais ceux du Cœur-fournaise qui brûle aux cieux ne le sont pas. Or les cieux sont au fond de nos têtes et dans le dos physique de notre cœur. Il y a un point là où pensent nos têtes, il y a un point là où le cœur émet sa force passionnelle d’aimer que le mal n’a jamais entaché mais qui se dissout organiquement en ce monde dans le trajet de la conception d’aimer. À nous donc qui vivons à veiller à ce que l’Amour dans le ciel de nous-mêmes ne soit pas en sortant décomposé. Car l’homme n’est un jour tombé que parce qu’il y avait sous terre trop de cadavres et c’est avec leur relent qu’a été perpétré le crime de sexualité. La force d’amour qui vient de Dieu ne peut pas vivre dans ce monde sans le sacrifice intégral du corps et l’oubli de ce corps de mort. Nous ne sommes pas des corps mais des âmes et nos âmes sont infectées par nos corps. C’est ce que les hommes ne cessent pas d’oublier car le Mal général les entraîne. Moi je ne cherche plus qu’une âme qui puisse ne pas oublier le Mal, car je ne suis pas de la terre mais du ciel, et je suis tel que maintenant je ne peux plus oublier le ciel ». Nouveaux écrits de Rodez (Gallimard, 1977), p. 132. .../...

RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==