ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

333 255 « Le spectacle de Jean-Louis Barrault sort les symboles ; et c’est ainsi que son action pour violente qu’elle soit, et active, demeure en somme sans prolongements. Et elle est sans prolongements parce qu’elle est seulement descriptive parce qu’elle raconte des faits extérieurs où les âmes n’ont pas de part, parce qu’elle ne touche pas au vif les pensées et les âmes, et c’est là beaucoup plus que dans la question de savoir si cette réalisation est ou non vraiment théâtrale que réside le reproche que je lui fais. Du théâtre elle a tous les moyens, car le théâtre qui ouvre un champ physique demande qu’on remplisse ce champ, qu’on en meuble l’espace avec des gestes […] Je n’ignore pas que le théâtre Balinais […] est encore un théâtre profane, mais on sait que chez les peuples authentiques le profane est encore religieux. Et il faut être reconnaissant à Jean-L. Barrault d’avoir su ramener un peu du vieil esprit religieux […] Il y a dans le spectacle de J.L. Barrault une sorte de merveilleux homme centaure ; et notre émotion a été grande devant ce spectacle»… Etc. 333. Antonin ARTAUD (1896-1948). 2 manuscrits autographes ; 8 et 6 pages in-fol. sur 7 feuillets (déchirés puis recollés au papier gommé) ; transcription jointe. 1 500 / 2 000 € Réflexions sur le théâtre balinais, brouillons de travail, en partie biffés, pour Le Théâtre et son double (Gallimard, 1938). « Théâtre de mise en scène pure. Idée du mystique, du religieux. Les hommes réduits à l’état de schémas. Leurs gestes tombent réellement et précis sur cette musique de bois, de caisson. Ils font penser à ces automates faits de bois creux. […] Rien qui donne plus l’idée du dépouillé, du pur, de l’essence. Tout est de nécessité absolue, métaphysique […] Mimique de gestes spirituels qui scandent, élaguent, fixent, arrêtent, écartent et subdivisent des sentiments, des états d’âme, des points métaphysiques […] Ce théâtre qui rend grossier notre théâtre où les sentiments ont besoin d’être nommés, directement vécus et joués, des sentiments qui ne soient pas des schèmes de sentiments, des linéaments abstraits d’idées […] Ce théâtre d’autre part est le triomphe de la mise en scène pure car pour nous à qui cette langue est fermée, et où les gestes, les intonations, les cris, les modulations, les attitudes n’agissent plus que dans leur quintessence, il est certain que ce qui agit sur nous, ce n’est pas la chose dite mais la façon dont on nous la dit »… Etc. « […] Théâtre n’aurait que faire, là où les subdivisions intellectuelles d’un thème sont réduites à rien et où cet espace d’air, intellectuel, ce jeu psychique qui existe ordinairement entre les membres d’une phrase, ici est tracé dans l’air scénique entre les membres, l’air et les perspectives d’un certain nombre de cris, de couleurs et de mouvements. Ici le metteur en scène travaillant avec des moyens de metteur en scène supplée l’auteur dans toutes les parties où dans notre langue occidentale on croit devoir distinguer un certain contenu psychique d’avec son incarnation matérielle, ou si l’on préfère la conception de la réalisation. Mais dans les réalisations du théâtre Balinais l’esprit a bien le sentiment que la conception s’est d’abord heurtée à des gestes, a pris pied au milieu de toute une fermentation d’images visuelles ou sonores, pensées comme à l’état pur »… Etc. Ancienne collection Anie Besnard. Œuvres complètes, tome IV, p. 235 et 231.

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