ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

137 sexe charmant qui la fait perdre ne doit savoir l’entendre ni la parler. Eh ! puis quelle raison voules vous attendre d’un homme qu’on traite comme s’il n’en avait point ». On a épointé les mouchettes que lui a envoyées sa femme, «de peur que je ne me tue avec, vous voyies bien que je suis bien eloigné de la fin de mes malheurs et qu’on prévoit que j’aurai sans doute encor beaucoup d’occasion de desespoir puisqu’on prend tant de soin à eloigner de moi tout ce qui pourroit en rendre les effets funestes »… On employait ce procédé pour Damiens et d’autres illustres scélérats… Il s’emporte contre les hommes bornés qui le privent de sa liberté, et il se croit « au milieu de la république des ânes », et il s’exclame: «O homme que tu es petit et vain ! à peine as tu le temps de voir le soleil, à peine effleures tu l’univers que tu ne t’occupes que du soin cruel d’y tracasser tes semblables […] Malheureux ver de terre qui n’a que quelques heures à ramper comme moi, jouis, et ne me troubles pas, rabaisse ton orgueil qui ne te vient que de ta sottise et si le hazard t’a placé reellement ou accidentellement au dessus de moi, c’est à dire si tu broutes l’herbe dans un coin un peu meillieur, n’en profite que pour me rendre heureux. Sainte Rousset si dans toutes les races d’animaux que nous connaissons sur la terre, il y en eut une qui se fut faire des prisons, et puis qui se condamnassent mutuellement à ce joli petit supplice ne la détruirions nous pas comme une espece trop cruelle à laisser subsister ici bas ?... Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un vertige pareil à celui de ces prisons. Premierement c’est un abus réel et des loix et de l’humanité si tellement reconnu que les lettres de cachet sont contre les constitutions de l’état. […] Si j’ai mérité la mort qu’on me la fasse souffrir je suis tout prêt, sinon qu’on ne me fasse pas inutilement tourner l’esprit ici entre quatre murs, et le tout pour satisfaire à la vengeance de deux ou trois drôles d’Aix qui mériteraient cent coups de barres... […] La prison... la prison... toujours la prison on ne scait que ça en France, un homme est doux honete, il a fait une malheureuse faute que ses ennemis ont agravée pour le perdre… la prison »… Avant, il était un homme libre, « et apresent je suis un animal de la ménagerie de Vincennes ». La lettre glisse vers l’érotisme : « Ce lit de camp me dira donc bien des choses un jour ! Je ne scai pas trop ce quil me dira, mais je scai bien que quand ji recoucherai, j’aurai surement de très mauvaises pensées, si un beau soir vous allies m’y trouver en allant vous y fourer… Aint dites Sainte Rousset... vous series bien ettonnée !... Vous sauveries vous ?... oui nest ce pas.. Eh bien voyies la difference quil y a entre nous deux, je vous proteste que si je vous rencontrais dans le mien, je m’y coucherois tout comme si de rien n’était. Vous n’êtes point philosophe vous autres femmes, vous vous effrayes toujours de la nature. Vous voules venir dans notre menagerie. – Non Sainte Rousset non vous êtes trop vieille pour ça, il faut avoir de dix à quinze ans pour être ici. Moi tel que vous me voyies je n’ai qu’onze ans, aussi je m’y trouve fort bien ». C’est bien Rousset qui vient tous les soirs dans la chambre de Sade sous forme de « souris sorcière [...] ce sera mon lit que je vous ouvrirai, au lieu de la souricière »... Et il termine : « Adieu je vous aime et vous embrasse comme la seconde meilleure et plus chère amie que j’aiye au monde. » Correspondance (Lély), XCVII.

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