ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

126 125. Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE. L.A., La Coste 2 mars 1774, à François Ripert, son régisseur à Mazan ; 4 pages in-fol. (légère mouillure avec petit manque). 1 500 / 2 000 € Importante lettre après son évasion du fort de Miolans (30 avril 1773), où Sade avait été incarcéré à la suite de l’affaire de Marseille. Sade est alors recherché par la police et se cache. Il demande à Ripert de lui procurer 3500 livres sur les lods, l’argenterie ou des billets, et lui annonce son arrivée dans la nuit... « j’arriverai par la petite porte du jardin [...] et je passerai une semaine entière ches vous caché, cestadire sans que personne ni ne me scache ni me me soupsone ches vous ». Sa femme le rejoindra dans la journée ; Ripert ira l’excuser auprès des dames de la ville de ne pas faire de visites... « nous vous demanderons avec instance que votre porte soit hermetiquement fermee pour tout le monde»... Pour son départ le 11 «il faudra deux mulets ou chevaux pour me conduire au pont du St Esprit en une nuit [...] il faudra une voiture et deux mulets pour ramener madame a la Coste en un jour. Vous aures la complaisance de l’escorter parce qu’elle sera seule ». Il le prie de mobiliser des artisans pour faire un bois de lit et un matelas de voyage, « mais il faudra quil se fasse dans votre maison, et sous mes yeux attendu que je suis fort difficile sur le choix de cette marchandise [...] du reste un peu de gras parce que ni madame ni moi ne faisons maigre [...] on exige de moi une petite absence pendant laquelle Md de Montreuil [sa belle-mère] a promis darranger toutes les affaires tant civiles que criminelles, vous voyes donc bien que l’incognito et l’argent sont indispensable pour la contenter [...] toutes les dettes seront generalement payées [...] la dernière esclandre n’a été faite que pour enlever les lettres de Md de Launai la famille de M l’archeveque de Paris ayant exigé cette ceremonie avant de consentir a lui donner le marquis de Beaumont son neveu pour epoux, vous pouves repandre partout et cette nouvelle et ce developement de l’expedition qui a tant fait jaser. Vous le deves meme pour faire cesser les mauvais bruits qui pourroit en courir sur mon compte»... 126. Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE. L.A., [La Coste décembre 1774], à son avocat Gaspard Gaufridy, à Apt ; 3 pages petit in-4, adresse. 800 / 1 000 € « Nous vous attendrons donc mardi mon cher avocat [...] Je vous prie de vouloir bien venir de bonne heure, au moins pour diné c’est à dire à trois heures ; vous m’obligerez d’observer cette meme coutume toutes les fois que vous viendrez nous voir cet hiver ; en voici la raison. Nous sommes décidés par mil raisons à voir très peu de monde cet hiver. Il en résulte que je passe la soirée dans mon cabinet, et que md [madame] avec ses femmes s’occupent dans une chambre voisine jusqu’à l’heure du couché moyen en quoi à l’entrée de la nuit, le château se trouve irrémissiblement fermé feu éteint plus de cuisine et souvent plus de provision. Conséquament c’est vraiment nous déranger que de ne pas arriver pour l’heure du diner et nous déranger de toute manière. Nous vous connoissons trop honête pour ne pas vous soumetre à cette petite gene, que nous chercherons d’autant moins à reformer en votre faveur, qu’elle nous fait gagner deux ou trois heures de plus du plaisir d’être avec vous ». Suit la minute d’une lettre concernant l’abonnement de la marquise de Sade à une gazette. Enfin Sade évoque une dispute domestique à propos d’un livre égaré, qui « vient d’exciter une altercation carteronique, et consequament gothonique qui vise à de grandes suites car on veut son congé. Votre présence est encor ici nécessaire pour calmer tout cela »… Correspondance (Lély), XLV. 127. René-Pélagie de Montreuil, marquise de SADE (1741-1810). Manuscrit de la main de l’avocat Gaspard Gaufridy (1729-1818), [1774] ; 5 pages et quart in-fol. 1 000 / 1 200 € Important mémoire, inspiré par Sade, où la marquise expose les faits survenus depuis l’affaire de Marseille, prend la défense de son mari, et dénonce les manœuvres de sa mère. «Dame Renée Pélagie Cordier de Montreuil, épouse de messire Louis. Donatien Adolphe Aldonce marquis de Sade, chevalier, seigneur de La Coste, Mazan, Saumanes et autres places, en son propre et comme administresse de messieurs ses enfants, exposera qu’elle est dans la cruelle nécessité de recourir à la protection des lois pour repousser enfin la vexation la plus criante qui fut jamais. Victime innocente de l’attachement le plus sacré, elle réclame les droits de l’humanité depuis trop longtems outragés. Elle étoit avec le marquis de Sade son mary dans sa terre de la Coste en Provence ; elle y fut jointe par la delle de Launay sa sœur sous le prétexte de lui faire compagnie et d’y respirer un air plus sain. Partagée entre son attachement pour son mary et sa tendresse pour ses enfans, elle y jouit pendant longtemps de cette paix que rien n’auroit du troubler, et les empressements de son mary ne lui permettoient pas de suspecter qu’une fatale passion devoit bientot devenir le foyer d’une suite de malheurs et d’infortunes »... Elle raconte le départ de son mari avec un domestique en juin 1772 pour Marseille, la procédure criminelle qui y est instruite contre lui, ses démarches en sa faveur : « si elle est convaincue qu’une pure galanterie forme la seule matière de la procédure, elle apperçoit que la prévention la plus outrée avoit saisi tous les esprits, […] son instruction est précipitée par quelque génie malfaisant qui craignoit le retour du calme et de la réflexion »… Elle dénonce un arrêt flétrissant prononcé par un magistrat aveugle, inspiré par une fatale prévention… Elle tente en vain de s’adresser à sa mère Mme de Montreuil : « mais la tendresse ne parle plus en sa faveur. Solliciter pour son mari, c’est être complice de ses écarts, ses écarts ! […] son mari est plus malheureux que coupable […] une victime qui doit être immolée à la paix et au bonheur de la famille qui l’avoit adopté »...

RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==