ADER Nordmann. Paris. COLLECTION BRIGITTE ET ROLAND BROCA.

125 124. Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE. L.A.S., [fort de Miolans fin mars ou début avril 1773, au comte Sallier de La Tour, gouverneur du duché de Savoie] ; 4 pages petit in-4. 1 500 / 2 000 € Belle lettre lors de son emprisonnement au fort de Miolans, en Savoie, où le comte a été incarcéré et détenu au secret à la demande de sa belle-famille, après sa liaison et son escapade en Italie avec sa jeune belle-sœur. [Le 30 avril, la marquise réussira à faire évader son mari, en compagnie de son codétenu, le baron de L’Allée.] Sade commence par se plaindre des mesures qui retardent de huit jours les lettres qu’il reçoit : « c’est précisément cette raison qui m’avait engagé à prendre un domestique en dehors qui put me faire cet espèce de service ; fesant tant que de nourrir et payer ce domestique, je désirerois fort qu’il me servit ; d’ailleurs les fournitures dont j’ai besoin journellement, je ne les trouve pas à St Pierre, j’étois dans l’usage de les faire venir le jour où l’on m’apportait mes lettres ». Il propose un nouvel arrangement pour sa correspondance : « Si votre excellence accepte cet arrangement, elle me fera plaisir. Quant à tout le reste je m’y soumets on ne peut pas plus volontiers, n’ayant et ne voulant avoir à l’avenir aucune correspondance que toute la terre ne puisse lire et renonçant bien sincèrement et de tout mon cœur, à celle qui m’a fait mettre ici, que j’ai eu la faiblesse d’y entretenir dans les commencements et le tout à mon grand regret ». Il regrette que sa supplique à Turin n’ait eu pour effet que « d’être resseré davantage, car enfin le but de cette supplique était d’obtenir ma liberté »… Et il tente d’attendrir le gouverneur sur son sort : « Je suis majeur depuis plusieurs années […] j’ai perdu mon père pour mon malheur, car je ne serois pas ici si je l’avois encor, ma mère est fort vieille, fort infirme et finit tranquilement ses jours dans un couvent ne se melant absolument de rien, mes oncles, et le reste de ma famille m’ont certifié par écrit ne s’être en rien melé de ma détention. Je n’ai point offensé la Cour de France, encor moins celle de Sardaigne, ma femme me redemande, je ne dépends de personne, qui peut donc me retenir, et qui peut oser le faire sans les plus grandes vexations, et les plus grandes injustices. Si cependant ceux qui le font allèguent pour leur seule justification le désir de rompre une intrigue déplacée et facheuse, ils poussent trop loin leur ressentiment, car j’ai déclaré très authentiquement que j’y renonçois […] Je romps tout commerce. J’offre de rendre toutes les lettres. Je jure de ne pas approcher Paris de cent lieues tout le temps que l’on l’exigera, de cesser tout mémoire, toute supplique, tout propos injurieux […] Ma position est des plus cruelles sans contredit, mais malheureusement je suis le seul à la sentir »... Etc. On joint un post-scriptum autographe (1 page petit in-4) au sujet de Bailli, « cantinier du fort », qui a besoin d’argent : « J’eus payé cet homme moi-même ici sans en etourdir votre excellence si les fonds que j’avois cet hiver me fussent restés ; mais lorceque mon epouse vint, elle me temoigna en avoir besoin et je les lui fis passer, de manière que je me trouve absolument sans le sol ».

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