33 Enluminures et Manuscrits Dans un autre manuscrit attribué à un artiste issu de l’atelier de Jean Poyer, des Heures à l’usage de Paris (New York, Pierpont Morgan Library, M. 9, peint à Tours, c. 1490-1500), on trouve de petites miniatures qui rappellent celles des Heures dites de Richard Vesvrotte avec force détails qu’il serait utile de relever, par exemple le traitement semblable des chairs, des hachures dorées des vêtements, des couronnes dans Morgan M.9 (fol. 83v) et dans les Heures Vesvrotte (Vierge en prière ; Saint Louis). Notre artiste peut aussi être associé à un livre d’heures peint dans le cercle de Poyer (Oxford, Keble College, ms. 23) et on trouve des éléments stylistiques communs avec le manuscrit Secrets des secrets (Paris, BnF, NAF 18145, vers 1490 ?) dont les miniatures sont dites de Poyer et de son atelier (Hofmann, 2014, pp. 163-165 et fig. 44-49 ; Avril et Reynaud, 1993, p. 313, Secrets des secrets (Paris, BnF, NAF 18145) : “A cet égard, le manuscrit est à rapprocher de toute une série d’œuvres témoignant que Poyer dut être à la tête d’un atelier actif et organisé (…)”). On trouve dans le Secrets des secrets, une représentation des quatre saisons, avec des arbres sectionnés au milieu du tronc pour la saison été (Paris, BnF, latin 1374, fol. 50) : un paysage semblable se retrouve en arrière-plan de la miniature de David en prière (f. 55) dans les Heures dites de Richard de Vesvrotte. Autre détail que l’on retrouve dans les manuscrits de Poyer et repris ici par notre enlumineur dans la Nativité, l’enfant Jésus couché dans un haut panier d’osier tressé (voir S. Gras, 2017, pp. 23 et 25). Dans l’Annonciation (fol. 15), enluminure soignée et élégante, la plus grande des Heures dites de Richard Vesvrotte, il semble bien que l’artiste ait adopté des compositions spatiales qui rappellent celles de Poyer et on notera le souci de perspective et de profondeur, avec une ouverture au fond au moyen de la fenêtre ouverte. Un encadrement au décor de marbre vient se superposer sur une construction architecturée dorée composée de pilastres qui soutiennent une coupe flanquée de part et d’autre de deux putti. Les visages de la Vierge et de l’ange Gabriel rappellent le style de Poyer avec des yeux (ici soulignés d’une touche de bleu) presque révulsés aux lourdes paupières et des bouches rouge carmin, évoquant par exemple les figures des anges peints par Poyer dans des Heures dites de Marie d’Angleterre peintes par Fouquet vers 1498 (Lyon, BM, ms. 1558, f. 50v). La figure de la Vierge dans l’Annonciation (fol. 15) des Heures dites de Richard Vesvrotte est à rapprocher de la Vierge peinte dans la scène de l’Adoration des mages (fol. 34v), suggérant que l’on est sans doute en présence d’un même peintre et son atelier pour l’ensemble des miniatures, même si l’on perçoit des différences de traitement, sans doute le résultat du parti pris de peindre les figures à mi-corps plus rapprochées (“dramatic close-ups”). On signalera l'influence aussi de Jean Bourdichon dans les petites miniatures. Il y aurait fort à dire des bordures, dont celle intéressante qui présente les instruments de la Passion faisant écho à la scène de Crucifixion (fol. 50v). Certaines de ces bordures sont typiques des manuscrits tourangeaux de cette fin du XVe siècle (on relèvera la petite figure hybride zoomorphe au long cou qui revient plusieurs fois dans les marges dans les bordures cloisonnées mais aussi dans les bordures sur fonds rouge foncé au décor en camaïeu d’or, par exemple ff. 22, 32, 44, 47, 55). Les bordures présentant des décors floraux en camaïeu d’or sur fonds rouge foncé et bleu rappellent des bordures de manuscrits tels le Pontifical de Guillaume de Clugny (Vienne, ÖNB, Cod. 1819) peint dans un milieu tourangeau par le Maître de Jean Charpentier et achevé par le Maître du Missel della Rovere à la demande de Pierre III d’Amboise, évêque de Poitiers (voir Avril et Reynaud, 1993, p. 289 et 291). Bibliographie : Avril, F. et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1480-1520, Paris, 1993. – Chancel-Bardelot, B. dir. Tours 1500. Capitale des arts, ed. Béatrice de Chancel-Bardelot, Pascale Charron, Pierre-Gilles Girault, Jean-Marie Guillouët, Paris, 2012. – Elsig, F. (dir.). Peindre à Tours et à Angers aux XVe et XVIe siècles, Milan, Silavana Editoriale, 2022. – Gras, S. « L’atelier de Jean Poyer à Madrid. Un missel au temps des fiançailles de Charles VIII et Marguerite d’Autriche », in Revue française d’histoire du livre n° 138, 2017, pp. 7-39. – Hofmann, M. Jean Poyer : Das Gesamtwerk, Turnhout, 2004. – Wieck, R., W. Voelkle, K.M. Hearne. The Hours of Henry VIII, New York, G. Braziller/The Pierpont Morgan Library, 2005. .../...
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