31 Enluminures et Manuscrits il peint des figures aux vêtements rehaussés d’hachures d’or étincelant, aux cols de certains habits sertis de lettrages dorés (par exemple la Vierge de l’Annonciation (f. 15), la Vierge couronnée (f. 44) ou David en prière (f. 55)), aux mains de taille un peu démesurée et aux traits de visage pensifs présentant des mines boudeuses (sur le manuscrit de Münich, voir Hofmann, 2004, pp. 125126 et fig. 182-183). Cet artiste serait aussi responsable de certaines miniatures des “Heures dites de Henri III” (Cracovie, Musée Czartoryski, Ms. 3020, par exemple f. 183) et notre artiste présente des similitudes avec certaines miniatures d’un livre d’Heures à l’usage de Rome (Cambridge (Mass.), Houghton Library, Typ 614 ; certaines miniatures sont données par S. Gras (2017) au Maître des Heures de Morgan 388). On rapprochera le peintre des présentes Heures, et notamment les petites miniatures, de l’artiste de “style Jean Poyer” qui peint une miniature rajoutée (saint Bénigne) dans des Heures peintes pour Thomas Berbisey, secrétaire de Louis XI (Paris, BnF, latin 1374, fol. 144 ; voir E. Andrieu, “Un livre d’heures d’une famille bourguignonne”, in Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte d’Or, 19381939, 21, pp. 404-405 ; Hofmann (2014), cité pp. 55, 83, 85, 146, 155). La miniature de saint Bénigne rappelle dans les Heures Vesvrotte les portraits en buste des saints Nicolas, Claude et Didier mais aussi le visage de saint Louis (f. 90). Il est intéressant de noter que ce manuscrit (Paris, BnF, latin 1374) a appartenu à Thomas Berbisey, membre d’une famille bourguignonne et dont les fonctions et déplacements administratifs comme secrétaire de Louis XI ont permis un contact avec des ateliers hors Bourgogne tel celui de Jean Poyer et ses suiveurs. On peut suggérer que les Heures dites de Richard Vesvrotte ont pu être réalisées par un commanditaire en déplacement, faisant appel à un atelier ligérien mais “personnalisant” son manuscrit avec l’inclusion de saint Didier (ff. 90-92), saint Langrois et honoré en Bourgogne tout comme Thomas Berbisey ou son fils fit rajouter la miniature de saint Bénigne, saint éminemment bourguignon. Les liens entre la Bourgogne et la Touraine sont avérés et citons par exemple Jean III d’Amboise, issu d’une célèbre famille tourangelle, qui fut évêque de Langres dans ces années-là (Jean III d’Amboise, évêque et duc de Langres (1481-1498) et gouverneur de Bourgogne). Rappelons que son jeune frère Louis d’Amboise (1433-1503), évêque d’Albi, avait également sollicité un artiste tourangeau pour son missel peint par Jean Bourdichon (Naples, Bibliothèque nationale Vittorio Emanuele III, ms. I.B.21 ; Teresa d’Urso, “Un missel illustré par Jean Bourdichon pour Louis d’Amboise”, Art de l’Enluminure, n° 74, 2020, pp. 4-23). Outre la miniature isolée de saint Bénigne attribuable à un émule ou associé de Poyer (Hofmann parle de “Poyer-Umkreis” pour cette miniature, on trouve dans les Heures de Thomas Berbisey (Paris, BnF, latin 1374) de grandes miniatures peintes par un autre peintre tourangeau (inspiré par Bourdichon ?). Ces grandes miniatures sont inscrites dans des bordures dotées d’un élément décoratif qui mérite d’être relevé, à savoir des petites pierres précieuses stylisées et colorées (noires, bleues, roses foncé ou vertes) inscrites dans de petits « chatons » dorés (voir Paris, BnF, latin 1374, ff. 1, 4, 8v, 16 etc.). Des motifs semblables sont inscrits aussi dans les bordures des présentes Heures dites de Richard Vesvrotte, par exemple aux feuillets 83 (suffrage de sainte Catherine) et feuillet 90 (suffrage de saint Louis). De même, une enluminure figurant une Nativité (anciennement Galerie Les Enluminures) attribuée au Maître de Morgan M. 388, un des meilleurs collaborateurs de Jean Poyer (nommé d’après les Heures conservées sous la cote New York, Pierpont Morgan Library, M. 388 ; voir l’état des lieux récent sur cet artiste par S. Gras, 2017), est sertie d’une bordure présentant un semé de ces mêmes pierres précieuses stylisées. Il y a des rapprochements de composition à effectuer entre les Heures Pierpont Morgan 388 et les Heures Vesvrotte mais surtout au niveau des petites miniatures. Les motifs « pierres précieuses » se retrouvent aussi dans les Heures dites de Henri III (Cracovie, Musée Czartoryski, Ms. 3020, par exemple ff. 221, 307, 373v et passim). Dans au moins quatre manuscrits liés à Poyer et/ou à son atelier, il semblerait que l’on trouve cet élément décoratif particulier. .../...
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